S’engager dans une démarche participative

Archipel Habitat, Office Public pour l’Habitat de Rennes Métropole, face à de nouveaux besoins

Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Vincent Souquet est architecte, diplômé d’État à l’ENSA Bretagne ; doctorant à l’Institut de Géoarchitecture – Université de Bretagne Occidentale

A partir des opérations de réhabilitation du patrimoine de l’Office Public de l’Habitat de la Métropole de Rennes, Archipel Habitat, nous nous interrogeons sur les moyens, les objectifs et les obstacles qui font face à une plus grande implication des locataires dans la transformation et la gestion de leur cadre de vie. Comment les organismes HLM, se saisissent de l’émergence de concepts comme celui de l’habitat participatif et comment cela peut transformer leurs pratiques professionnelles ?


Alors que les difficultés d’accès au logement dans les métropoles française sont plus que jamais d’actualité, de nouveaux modes de production apparaissent dans ce contexte urbain « tendu ». L’habitat participatif est de ceux-là. Au-delà des complexités techniques de leur réalisation et des racines militantes des projets, c’est l’essor d’un nouveau rapport à la propriété privée que ces opérations mettent en évidence. Les organismes de logement sociaux proposent eux, depuis longtemps, des solutions alternatives, intermédiaires ou provisoires à la propriété privée. Aussi il nous est apparu intéressant de comprendre quel regard ces derniers pouvaient porter sur ces nouveaux projets qui diffèrent de leurs pratiques habituelles et quelles sont les passerelles possibles entre ces deux manières d’envisager la fabrication et la gestion de l’habitat ?

Ayant contesté, depuis les années 1960-1970, les productions publiques du logement, les organisations associatives, dont sont issues les actuelles associations militantes de l’habitat participatif, ont connu depuis 2010 un renouveau, un regain d’activité et surtout une nouvelle considération des politiques publiques du logement avec l’arrivée au pouvoir, dans certaines aires métropolitaines, de représentants du parti écologique « Les Verts ». Ces mouvements militants, en se fédérant autour de valeurs communes, ont fait naître le terme « d’habitat participatif ». En 2011, le livre blanc éponyme définit ainsi cet objet : les projets d’habitats participatifs se rassemblent autour d’objectifs qui sont « la recherche d’alternatives aux cadres de production classique du logement, en positionnant l’usager au cœur de la réalisation et de la gestion de son lieu de vie ». La loi ALUR du 24 mars 2014, met en lumière ces projets jusque-là relativement confidentiels en octroyant à des coopératives habitantes ou sociétés d’attribution et d’autopromotion le droit « de construire, d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis». Certains groupes d’habitants ayant un projet d’habitat participatif, font ainsi de leur indépendance par rapport à tout professionnel de la construction du logement, une condition essentielle pour que leur projet puisse être qualifié d’habitat participatif. Néanmoins, ces projets, souvent portés par une poignée d’initiés, se diversifient et se diffusent, notamment vers des publics plus modestes n’ayant pas les moyens d’accéder classiquement à la propriété (même partagée), mais pouvant en revanche, bénéficier de l’accès au logement locatif social.

L’habitat participatif s’est donc positionné comme une tentative de réponse aux problématiques actuelles mêlant, crises financière, sociale et écologique, dans le secteur du logement, en proposant une variation du mode de propriété, en particulier lorsque le groupe d’habitants se fédère en coopérative. Ceci étant, il ne relève pas d’une labélisation, d’une marque déposée ou d’une quelconque appellation contrôlée. Le terme recouvre ainsi un large spectre d’initiatives et de projets, il est en outre concurrencé par des quasi-synonymes : « habitat groupé », « habitat coopératif », « habitat autogéré », « cohousing », etc. Ce qui contribue à une certaine confusion. Ainsi, la coopérative d’habitants n’est pas le seul modèle de propriété qui puisse être attribué à l’habitat participatif : d’autres projets peuvent s’organiser différemment, en simple copropriété par exemple. Les chercheurs ne se sont pas accordés sur le qualificatif le plus pertinent. Mais c’est « habitat participatif » qui semble être le plus fédérateur pour rassembler ces grandes variétés de modes de propriétés « alternatives ».

Alors que l’habitat participatif renaît au travers de quelques initiatives dans les années 2010, les organismes HLM eux, travaillent depuis longtemps à l’implication des locataires dans leurs activités. Les recherches sur la place de « l’usager » de « l’habitant » ou du « locataire », en particulier dans les opérations de réhabilitations rattachées aux programmes de politique de la ville, se succèdent des années 1970 à nos jours et nous donnent un aperçu de l’évolution du sujet de la participation au cours de cette période : de Henri Lefebvre en 1968, à Marion Carrel en 2013 ou Jeanne Demoulin en 2014, en passant par André Sauvage, sociologue à l’ENSA Bretagne, ou Philippe Warin qui, en 1995, avec le titre de son article « Les HLM : impossible participation des habitants » fut le plus provocateur. Les sociologues se sont largement fait les porte-voix de la nécessité d’impliquer davantage les habitants dans la définition et la gestion de la ville et des ensembles de logements sociaux. Ils ont réinterrogé les objectifs poursuivis par les organismes qui mettent en œuvre une politique et des dispositifs d’accompagnement social de leurs locataires. Ils en viennent généralement à considérer ces dispositifs comme instruments du maintien d’un ordre social plutôt que comme outils pour une véritable satisfaction de l’usager inscrite dans une visée émancipatrice.

En se rencontrant sur des problématiques communes : loger et faire participer à cet objectif les personnes qui ont peu de ressources financière, comment les tenants de l’habitat participatif et les organismes HLM peuvent-ils s’inspirer mutuellement ? L’habitat participatif s’est positionné avant tout comme une autre voie, un complément, et non pas comme un dispositif « concurrentiel » des organismes HLM. Aujourd’hui, une partie des militants intensifient leurs liens avec ces derniers, prenant conscience qu’ils peuvent avoir à travailler ensemble. L’habitat participatif peut ainsi préfigurer, par certains de ces aspects, les transformations nécessaires des organismes HLM pour assurer leur mission de service public et leur rôle dans la fabrication d’une ville plus soutenable […]


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Crédit photo : Rennes Métropole – D. Gouray

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