… et permettre leur expression
Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Isabelle de Boismenu, architecte-Urbaniste et sociologue, Directrice d’étude habitat et Société à l’Audiar (Rennes)
Sur la base d’un état des lieux des indicateurs de richesse, cet article propose, un canevas opérationnel pour la construction d’un tel dispositif décliné sous cinq aspects ayant trait à l’objectif ou aux modalités de la démarche. Cette proposition est précédée d’une analyse succincte des raisons qui expliquent la multiplication d’indicateurs alternatifs au niveau des collectivités locales.
Rennes Métropole a initié une réflexion sur les indicateurs de bien-être en 2015, dans le champ de la cohésion sociale, dans le cadre de la politique de la ville, la participation des habitants étant l’un des axes majeurs souhaités par la loi Lamy. Celle-ci a rencontré d’autres attentes, à l’échelle métropolitaine, en particulier en matière de suivi et d’évaluation et du projet de refonte du Baro’Métropole. En 2016, le travail demandé à l’Audiar portait sur un état des lieux destiné à faire émerger des expériences inspirantes pour une adaptation au contexte local. C’est dans cette perspective opérationnelle qu’a été organisée la démarche pour repérer les grandes étapes de la construction d’un indicateurs de bien-être, moins dans l’idée de préconisations à suivre que de repères pour guider les choix à faire.
Avant de présenter ce canevas opérationnel, il paraît important de resituer le contexte d’une telle réflexion sur les indicateurs de bien-être et les enjeux qui s’y rapportent pour les collectivités locales.
Un contexte porteur
La France a été très présente dans cette réflexion sur les nouveaux indicateurs de prospérité, non seulement à travers des travaux de recherche publiés dès le début des années 2000 mais aussi par la mise en place de la commission Stiglitz en 2009. Cette initiative gouvernementale a donné lieu à douze recommandations marquant un tournant dans la prise en compte de la question, elle a positionné la France en pays précurseur même si ce n’est qu’en 2015 qu’a été publié la loi Sas créant une mesure de la richesse adaptée au 21ème siècle, en l’étendant au-delà du simple Produit Intérieur Brut (PIB).
En amont de la réflexion nationale, de nombreuses démarches locales visant à apprécier le développement de leur territoire et le bien-être de leurs habitants à partir d’indicateurs « alternatifs » ont vu le jour. La multiplication de ces initiatives n’est pas fortuite, elle s’explique au contraire par des raisons précises qui tiennent en grande partie à l’évolution du paysage d’intervention des collectivités locales : trois grands défis, susceptibles d’être regardés aussi comme des opportunités.
Crise de la croissance et émergence de la qualité de la vie comme enjeu d’attractivité.
Dans un contexte de globalisation et de transformation des systèmes productifs, les territoires et en particulier les métropoles, sont de plus en plus en concurrence entre elles pour attirer des capitaux, des entreprises, des emplois et des habitants. Cependant, la conscience que l’on ne renouera pas avec une croissance forte et durable est largement partagée. Aussi, la qualité de vie a-t-elle pris une nouvelle dimension, elle constitue aujourd’hui un facteur essentiel de l’attractivité territoriale. Il est donc devenu nécessaire de réfléchir autrement pour mieux comprendre les ressorts complexes du ressenti de bien-être dans la vie quotidienne des métropolitains et le mesurer à travers des indicateurs appropriés pour valoriser les singularités territoriales qui varient d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre et parfois même d’un quartier à l’autre. « La croissance est devenue au fil du temps un objectif en soi, sans qu’on en apprécie réellement les effets en termes de bien-être actuel et futur […] Introduire de nouveaux indicateurs, c’est adopter d’autres lunettes pour juger des effets des politiques économiques et budgétaires, et, au-delà, de l’ensemble de l’action publique ». (E. Sas).
Crise démocratique et nécessité de repenser l’action publique avec les habitants.
La perte de crédit des systèmes de représentativité et des mandats électifs ou la défiance des citoyens vis-à-vis des politiques, des experts et même des médias obligent les collectivités à repenser la question de la fabrique de l’action publique. Ainsi, la plupart des villes et des métropoles ont mis à l’agenda politique la question de la participation citoyenne pour mieux répondre aux attentes des habitants et fabriquer des politiques publiques plus adaptées, plus efficaces, plus innovantes et mieux comprises. Dès lors, l’idée d’un bien-être collectif, d’un « vivre ensemble », d’une qualité de vie, englobant un ensemble de ressources territoriales semble de nature à favoriser la mobilisation des habitants en les rendant acteur dans l’élaboration d’une vision partagée.
Crise de la durabilité écologique et sociale et montée en première ligne des métropoles.
Face aux mutations économiques, sociales et environnementales auxquelles doit faire face collectivement la société, les métropoles paraissent particulièrement bien positionnées pour relever ces défis et soutenir une culture de la sobriété partagée. En effet, les collectivités territoriales s’avèrent les vecteurs par excellence du bien-être et de la soutenabilité car la plupart des facteurs qui influent sur la vie quotidienne des habitants sont déterminées localement. Elles peuvent également agir sur la mise en mouvement des énergies locales en favorisant les initiatives concrètes. Cette capacité de mobilisation sociale passe par « l’art d’organiser les débat pour construire une solution » mais aussi par la « construction de représentations communes ». Une approche en termes de bien-être et la construction d’indicateurs pour le mesurer peuvent précisément servir à identifier ce qui fait la cohérence d’un territoire […]
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Photo : exposition Claude Ponti, jardin des plantes Nantes (c) Jean-Dominique Billaud