Retour sur la pénalisation des attroupements dans les parties commune (AFD)

[article daté de 2022]

Entre 2021 et 2022, le gouvernement a mis en place une nouvelle loi pour répondre aux problématiques d’attroupements dans les halls d’immeubles qui viennent parfois les habitants des quartiers prioritaires.

Dans le cadre de nos premières observations en matière de politiques publiques de sécurité et de dispositifs de sûreté dans les halls d’immeubles nous nous sommes intéressés à cette nouvelle loi L272-4 du code de sécurité intérieure mais surtout à son application. En effet, cette-ci introduit une nouvelle Amende Forfaitaire Délictuelle (AFD) pour des personnes qui commettraient des délits d’attroupements dans les parties communes des immeubles. Son intérêt pour le gouvernement c’est la rapidité de son effectivité. Nul besoin de procès pour être appliquée. Mais est-elle si effective que cela pour le moment ?

La loi étant très récente ainsi nous avons jugé qu’il était plus pertinent d’interroger dans un premier temps les agents de l’Etat concernés par son application. Avant tout car ils sont parmi les seuls qui connaissent l’existence de cette nouvelle amende à l’heure actuelle. Ainsi, nous avons interrogé un officier de police et un officier de gendarmerie dont nous garantissons l’anonymat.

Leur retour d’expérience n’est que partiel étant donné qu’ils peuvent s’en servir au niveau national seulement depuis Février 2022. Cependant l’un d’entre eux a travaillé sur une zone qui a fait l’objet de l’expérimentation de cette nouvelle amende. Nous allons procédé de la même manière que nous l’avons fait lors de nos entretiens avec les deux officiers.

Premièrement une explication objective et exhaustive du principe de l’amende forfaitaire délictuelle et de son contexte. Secondement, une première analyse des premiers retours d’expériences du terrain. Et enfin une ébauche de réflexion sur l’avenir des halls d’immeubles en matière de sécurité.

 

Explication objective du principe de l’AFD sur les attroupements.

Avant de revenir en détail sur la consistance de cette Amende Forfaitaire Délictuelle (AFD), il faut la remettre dans son contexte. Une AFD c’est une sanction qui est instaurée en dehors de tout procès. Elle ferait « clairement suite » à une autre AFD déjà existante qui est la pénalisation du consommateur ou du simple détenteur de stupéfiants et qui selon le gendarme et le policier « fonctionne correctement dans l’application ».

Face aux problématiques de squat dans les halls d’immeubles, une nouvelle AFD est créée en ciblant deux délits :

1) Le délit d’entrave aux libres allées et venues des résidents. Liberté pouvant être entravée par la présence significative de plusieurs personnes qui stationnent dans un hall avec par exemple des canapés, des chaises ou pouvant mener à des intimidations.

2) Le délit d’entrave aux dispositifs de sécurité. Celui-là étant divisé en deux. L’entrave aux outils de sécurité comme l’utilisation des extincteurs ou la condamnation d’issues de secours. Mais aussi l’entrave à l’accès au toit avec des attroupements au niveau des sas de désenfumage ainsi que des toits des immeubles en eux-mêmes.

« C’est un phénomène que l’on a beaucoup observé notamment pendant le confinement » selon un des agents interrogé

 

0% d’application (ou presque), première analyse des retours d’expériences du terrain.

Evoquer les retours d’expériences du terrain pour un gendarme comme pour un policier, c’est d’abord évaluer les résultats statistiques du nombre d’amendes disposées par des agents. Ce chiffre approche les 0% selon le policier comme le gendarme qui travaillent sur deux terrains différents de deux agglomérations différentes. Mais alors pourquoi ?

Les deux nous ont détaillé l’ensemble des conditions requises pour que l’amende soit donnée lorsque un des délits que nous avons présenté est constaté. Cela nous semble pertinent d’en faire état dans une perspective de première analyse.

 

« C’est inapplicable, les délits ciblés sont les bons mais il y a trop de conditions »

 

D’abord il faut qu’il y ait minimum deux personnes majeures dans le groupe de personnes qui stationnent. L’AFD ne concerne pas les mineurs. Or, le gendarme comme le policier ont rapporté que leurs équipes rencontrent de nombreux mineurs concernés par ces occupations illicites.

Il faut que le délit soit constaté et reconnu. La personne en situation de délit doit résider sur le territoire français, faire état de son adresse et être en mesure de comprendre l’infraction avant de reconnaître les faits. Aussi, si une plainte est en cours, le délit ne pourra être relevé au risque d’entraîner un vice de procédure sur l’enquête. Les délits ne sont pas cumulables. Autrement dit si une des personnes potentiellement verbalisable a commis simultanément un autre délit : par exemple détention de stupéfiant ou un outrage à agent, elle ne pourra être verbalisée.

 

Que faire à long terme ?

Mais ce n’est pas seulement une histoire de condition d’application. Après un constat que nous devons bien reconnaître pessimiste sur l’effectivité de l’amende. Nous leur avons demandé leurs avis sur le Squat des halls en général. Tous deux ont reconnu bien volontiers que bien qu’ils réclament d’avantage de moyens, leurs maisons respectives ne peuvent être la seule réponse aux enjeux de sécurité et de sûreté dans les halls qui posent des difficultés à ses résidents, dans tous les halls en général. Concrètement, ils ont tous les deux affiché leur volonté de collaborer d’avantage avec les éducateurs de rues dont ils admettent l’importance du travail et notamment avec les jeunes.

« La nature a horreur du vide » dit le Gendarme

Celui-ci nous a garanti avoir bien mesuré la différence au cour de sa carrière entre un quartier animé et un quartier moins animé à l’échelle macro et entre un hall animé et un hall moins animé à l’échelle micro en terme de répercussion sur la sécurité de ceux-ci. Il poursuit « quand les places sont trop minérales que voulez-vous y faire ? Sur un terrain de foot, on joue au foot. Quand on a nulle part, on va ou l’on peut »

Aussi, il semble pertinent au policier comme au gendarme d’établir des critères précis pour définir ce qui est un hall qui pose problème pour faire la part des choses. Le gendarme nous dit « Parfois, il suffit à certains de voir un jeune métisse habillé en jogging pour nous appeler, sans qu’il n’ait posé de problèmes. Les réseaux sociaux amplifient tout. Paradoxalement, il y a des immeubles plus problématiques où l’on ne nous appelle pas. Les gens préfèrent directement déposer plainte ».

 

Un dispositif pas si utile ?

Il est intéressant de noter que cette nouvelle annonce avait fait l’objet d’une communication importante de la part du ministre de l’intérieur, désireux de frapper vite et fort. Peut-être en partie pour répondre à ce sentiment d’insécurité dont nous parlaient les deux officiers juste avant. Sur le terrain, au vu de tous les éléments dont nous disposons à l’heure actuelle nous pouvons établir avec prudence que cette amende ne va pas révolutionner la situation des halls et des problématiques d’attroupements qui lui sont parfois associées.

 

Sources : https://www.ouest-france.fr/societe/squat-de-halls-d-immeuble-ou-occupation-de-terrain-deux-nouvelles-amendes-testees-des-ce-mardi-691a27cc-30b0-11ec-a718-a624d0d4b41d

https://actu.fr/normandie/le-havre_76351/squattage-de-hall-d-immeuble-les-nouvelles-amendes-sont-tombees-au-havre_48866828.html

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