Portraits de seniors. Christine COUFFIN, amarrée à son quartier ! Brest

Bénévole au Centre Social Les Amarres — Quartier Keredern — BREST

Quand Christine s’amarre à Keredern, il y a 13 ans, c’est le syndrome du nid vide. Le petit dernier vient de s’envoler… Alors la femme de gardien descend de sa tour, traverse la rue et rejoint le centre socioculturel Les Amarres. Un besoin vital ! Elle s’attache à l’équipe et naturellement, se met à « raccommoder les gens » et tisser du lien…

Nom : COUFFIN

Prénom : Christine

Âge : 70 ans

Signes distinctifs : le don de soi, le sens de l’accueil, la convivialité.

Engagements et projets : Je m’implique dans mon quartier, avec le Centre Social Les Amarres. Je suis membre du bureau de l’association, avec des casquettes différentes depuis près de 12 ans, dont celle de présidente au départ.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Quand j’étais petite, je souhaitais être comme Mère Teresa. Je voulais voyager, faire de l’humanitaire. Mais adulte, ce n’était pas trop possible de bouger, comme j’étais femme de gardien. Nous avons eu trois enfants. Je m’occupais de l’équipe de foot que mon mari arbitrait. Je lavais les maillots et accueillais toutes les doléances des gars, comme les chagrins d’amour… C’est drôle, parce qu’ils m’appelaient « Mère Teresa ». J’ai travaillé à la maison familiale des Tamaris, une association qui accueille les familles dont les enfants sont hospitalisés à la Cavale Blanche. Je faisais le standard, la compta, à manger, j’aidais. C’était du social. Mon mari fut gardien pendant 40 ans. Femme de gardien, ce n’était pas évident. Il représentait la loi, comme un gendarme. La politique du bailleur social, c’était de nous faire changer de secteur tous les 10 ans pour ne pas créer trop de lien avec les habitants. Nous avons fait les quatre coins de Brest. D’abord, Keranroux, les anciennes cabanes, qu’on appelait Chicago… Ensuite les tours bleues de Quéliverzan. Puis Rolland a été nommé ici. Mon petit bébé est parti aux îles Kerguelen, avec les pingouins. Syndrome du nid vide, je me suis mise à l’informatique au Centre Les Amarres, pour envoyer des mails. J’ai sympathisé et ils m’ont « alpaguée ». Quand je suis arrivée ici, j’ai trouvé une nouvelle vie. La retraite est arrivée pour moi et pour mon mari. Je pouvais faire ce que je voulais ! Les Amarres m’ont permis de trouver un équilibre. Alors, nous avons décidé de rester vivre ici.

Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?

Le quartier fête ses 50 ans cette année. Le Centre Social est né en 76 et a été rénové en 2012-2014. Il a été rebaptisé Les Amarres. On voulait élargir le nom de « centre social » et ajouter « culturel ». On trouve bien plus que du social ici, on propose des cours de langues, un service d’écriture avec La Plume. Maintenant, le centre social est accessible aux personnes en situation de handicap. Il y a une vingtaine de personnes âgées qui viennent jouer à la belote, aux dominos et participent aux fêtes.
Le terrorisme et la pandémie ont marqué le quartier. Ce furent de gros clashs où il était important de parler. On a réussi à se mettre à hauteur des yeux des enfants, et à expliquer avec nos mots ce qu’est la liberté d’expression. Avec la population musulmane, on partageait la même peine, la même peur. Puis est venu le Covid. On a tout fait pour distribuer des paniers solidaires, les autorisations de sortie. Garder le lien, discuter. Quand ça s’est calmé, on a organisé la fête de l’été, l’an dernier. À l’espagnol, tout le monde amenait quelque chose à manger.

« Des personnes âgées avaient les larmes aux yeux de se retrouver en plein air, sans masque. C’était magnifique. »

Mais certaines sont toujours terrées chez elles depuis le premier confinement. Cette année, plus de mille personnes sont venues fêter les 50 ans du quartier avec l’école, la kermesse, tout le monde ! C’était super.

Comment vous situez-vous dans le quartier ?

J’aime mon quartier parce qu’il est aéré, arboré. J’adore le jardin partagé. Il y a un mélange, avec des gens qui vivent ici depuis plus de 50 ans. Une population maghrébine est arrivée, s’est adaptée, a fait des enfants, des petits enfants. Et tout cela crée une fratrie, un lien. C’est riche. Ici, on sait qui est malade, qui a eu un accident, on arrive à se serrer les coudes. La grande tour où j’habite est juste en face des Amarres, je n’ai que la rue à traverser. Ce Centre Social était géré par la CAF, mais maintenant, nous sommes organisés en association. On a eu du mal au départ. Nous nous sommes soudés en amitié, avec les salariés. On essaie d’aller de l’avant. Ce centre a une bonne influence. Souvent le terme que l’on entend, c’est : « t’as dormi ici ? ». Par exemple, Sylvie est une amie. Elle travaille aux Amarres depuis 30 ans comme femme de ménage et elle fait partie du CA. Avant, j’étais présidente, maintenant secrétaire. Place aux jeunes ! Je fais toujours partie du bureau. Si je suis malade, je viens quand même, c’est viscéral ! Raccommoder certaines personnes, je sais faire. J’essaie d’accorder les gens. Ils viennent me parler. Je suis un peu leur confidente. Je passe les messages.

« Raccommoder certaines personnes, je sais faire. J’essaie d’accorder les gens. »

Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?

Ce qui est essentiel, c’est la communication, surtout avec les jeunes. Une journée idéale dans le quartier, ce serait : pas de conflit ! Quand on regarde le quartier de Marseille, c’est abominable. Ici, c’est propre, c’est calme. On a eu des soucis avec des voitures brûlées, mais cela s’est bien calmé. On a une écoute avec l’office des HLM. Mon rêve ce serait qu’il n’y ait pas de problèmes.

Je côtoyais beaucoup les jeunes quand je faisais le soutien scolaire, mais on ne les voit plus quand ils deviennent préados. Un autre centre à côté s’occupe d’eux à partir de la 6e. Ce contact avec les jeunes m’apporte énormément parce que je suis éclatée géographiquement par rapport à mes quatre petits-enfants. Je compense l’affection avec les petits d’ici.

« Le plus important à transmettre aux jeunes c’est la bienveillance, et la politesse, et le respect envers les uns et les autres. Mais les cheveux blancs inspirent beaucoup le respect ! »

Le conseil que je leur donnerais, c’est d’apprendre à l’école. Tout se mérite. Il faut aller travailler. Moi j’ai commencé à 12 ans aux huîtres à Locmariaquer, pendant les vacances scolaires. À 13 ans, je suis partie comme bonne dans une famille nantaise, chez un médecin. C’était compliqué, ma mère était partie. J’étais anti-tout, j’étais une hippie. Avec le Club Med, j’ai voyagé en Corse, en Italie, à Paris. C’était facile, de trouver un boulot logé nourri. Il faut travailler et s’accrocher à tout. Ne pas avoir peur. Je dirais cela surtout aux parents : faites-les travailler !

 

Propos recueillis par Marie Fidel

 

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