Entretien avec Manon CAILLON et Clémentine PAILHES, Action Tank Entreprise & Pauvreté
Quels sont les objectifs du programme expérimental « Accompagnement global du vieillissement à domicile » ?
Finistère Habitat s’est engagé très tôt pour ses locataires seniors afin de faciliter leur vieillissement à domicile et ainsi prévenir leur éventuelle perte d’autonomie. La création du label « Bien vieillir » à Finistère Habitat en 2008 en est l’illustration, ce label proposant des logements adaptés au vieillissement ainsi que l’accès aux services de proximité et un accompagnement de Finistère Habitat approfondi.
Depuis, Finistère Habitat a voulu aller encore plus loin et tester un dispositif de repérage et d’accompagnement des besoins de ses locataires seniors dont l’impact attendu est :
– L’anticipation par la détection des besoins des locataires seniors grâce à une démarche d’aller-vers
– Une meilleure compréhension de leurs besoins par les chargés de clientèle de Finistère Habitat
– Une meilleure réponse aux besoins permettant ainsi :
- La réduction du risque de chute par l’adaptation des logements
- La détection facilitée des personnes en situation d’isolement
- L’entretien du lien social des locataires grâce à l’organisation d’activités pertinentes
- Un accompagnement facilité des personnes dans des situations complexes par la mise en relation plus efficiente avec les acteurs clés
Comment se concrétise la démarche et quels sont les aspects innovants du projet ?
Très concrètement, le projet se caractérise par un dispositif de repérage ambitieux, une qualification du besoin systématique par les chargés de clientèle de Finistère Habitat et une réponse aux besoins complète permise par la création d’un réseau partenarial.
Le dispositif de repérage est constitué de plusieurs outils :
– Une enquête annuelle envoyée systématiquement à tous les +65 ans sur les 4 territoires d’expérimentation interrogeant tous les volets de vie
– La prise de contact des locataires dites « invisibles », avec lesquels Finistère Habitat n’a pas eu de contact lors de la dernière année
– Une veille renforcée de l’équipe de proximité des signaux pouvant signifier un besoin (volets fermés pendant longtemps, boite aux lettres qui déborde…)
Lorsqu’un besoin est détecté, il est priorisé pour ensuite faire l’objet d’une visite ou d’un appel de son chargé de clientèle afin de mieux le qualifier.
Enfin, la réponse aux besoins peut être apportée par :
– Finistère Habitat, par exemple en adaptant le logement ou en proposant une mutation si le besoin concerne le logement,
– Le réseau partenarial de +50 ans acteurs associatifs, publics ou médico-sociaux, vers lequel Finistère Habitat oriente les seniors en fonction de leur besoin
L’aspect innovant de ce dispositif réside dans sa vision 360 : de la détection à la réponse au besoin, Finistère Habitat mobilise ses collaborateurs de proximité pour accompagner le locataire senior dans tous ses domaines de vie : logement, lien social, administratif…
Zoom sur Concarneau : quels sont les effets de l’action pour les locataires et pour les partenaires ?
Près de 500 locataires de + de 60 ans de Concarneau Cornouille Agglomération ont été ciblé par l’expérimentation.
Anne-Sophie Petillon, responsable de l’Agence Sud, témoigne :
« Cette expérimentation nous a permis de mieux connaître nos locataires seniors, et d’être plus pertinent dans l’accompagnement de ce public. Comment être en relation avec eux ? Quelles réponses apporter ?
Par exemple, une ancienne locataire à Lanriec avait quelques marches à monter pour accéder à son logement, mais elle ne serait jamais venue à Kerandon. Elle est venue aux portes ouvertes sur des logements personnes âgées à Kerandon, et ça a cheminé. Quelques temps plus tard, elle est venue habiter dans ce quartier et en est très contente !
Un autre exemple, qui montre l’importance de l’aller-vers : la chargée de clientèle et la gardienne avait repéré un locataire qui ne sortait plus de son logement. Une visite était prévue la semaine suivante avec le CCAS mais aux vues de l’urgence, elles ont pris l’initiative d’aller frapper à la porte du locataire. Celui-ci en échangeant à travers la porte a fini par ouvrir son logement. Elles ont alors découvert une personne amaigrie qui ne s alimentait plus depuis plusieurs jours. Avec son accord, elles ont appelé le samu pour que ce M. soit hospitalisé. D’un regard, il les a remerciées de leur bienveillance
Le réseau de partenaires que nous avons constitué est une ressource clé pour les chargés de clientèles, qui savent vers qui orienter la personne âgée de façon automatique. On est face à des situations qui dépassent parfois nos compétences, et l’intervention du CLIC, du CDAS ou du CCAS est essentielle.
C’est également le moyen d’organiser des actions de lien social, comme une marche encadrée avec Activ-sports, des ateliers de prévention avec Vas-y ou du bénévolat avec l’heure civique. De notre côté, on met en relation, on identifie des lieux où les personnes participent à des activités ou tout simplement se retrouvent autour d’un café. »
Quelques résultats chiffrés sur l’expérimentation :
Les locataires ayant bénéficié d’une adaptation ou d’un déménagement se sentent plus en sécurité chez eux
95% des locataires sont satisfaits de leur adaptation ou de leur changement de logement.
74% des locataires ayant bénéficié d’une adaptation estiment que le risque de chute a été réduit.
« Cela m’évite de chuter, je me sens beaucoup plus en sécurité. »
« Je bénéficie d’un meilleur cadre de vie. »
Les animations réalisées montrent des tendances positives en termes de lien social
38% des locataires ayant participé à une animation estiment avoir tissé de nouvelles relations.
« Participer aux activités permet de faire connaissance avec ses voisins. »
Les partenaires valorisent l’utilité d’avoir mis en place des relations privilégiées pour informer et orienter les locataires
95% des partenaires considèrent que le dispositif permet d’informer de manière proactive des locataires sur les dispositifs du territoire
100% des professionnels des partenaires considèrent que les relations entre le chargé de clientèle et les partenaires facilite l’information et l’orientation des locataires
« Les liens privilégiés tissés avec la chargée de clientèle FH nous permettent une plus grande réactivité/proximité auprès des personnes âgées et/ou isolées. »
« C’est justement ce qui différencie le bailleur social du bailleur à loyers modérés. La nuance est de taille ! »
Quelles sont les perspectives et les suites de l’expérimentation ?
Après 3 ans d’expérimentation, le dispositif se poursuit avec succès. L’année 2023 permettra d’en faire le bilan et en tirer les enseignements pour un déploiement futur, qui devra prendre en compte les capacités opérationnelles et financières du bailleur pour anticiper et répondre au mieux aux besoins de ses locataires seniors.