L’autonomie est le fruit d’un long combat, pour Adam qui a d’abord dû obtenir ses papiers de naturalisation française, après avoir quitté son Tchad et Soudan d’origine en 2013. Trouver un logement, travailler, réunir sa famille… À force de patience, il réalise enfin son rêve : se former et devenir mécanicien indépendant, d’abord itinérant, dans l’espoir d’ouvrir plus tard son propre garage.
Nom : ABOUBAKAR MOHAMAT
Prénom : Adam
Âge : 36 ans
Signes distinctifs : Ouvert à tout le monde.
Nom de l’entreprise : N’Garé Mécanique Auto
Nature de l’activité : Mécanicien à domicile (entretien, réparation, nettoyage, révision, diagnostic…)
Pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous a mené vers l’entrepreneuriat ?
J’ai toujours voulu être autonome. Je suis d’origine tchado-soudanaise. Je suis arrivé en 2013 en France. Au début, c’était la galère totale. Je n’avais pas de logement, j’ai été pendant un an et demi sans domicile fixe, parce qu’avec la procédure de demande de papiers, il n’était pas possible de travailler. J’ai eu mon titre de séjour, puis j’ai été naturalisé français. Alors, je suis allé en Vendée rejoindre des amis. J’ai pu commencer à travailler en 2015 et trouver un logement. Enfin, j’ai fait venir ma femme et mon fils. Deux de nos enfants sont nés en France. Quand j’ai commencé à travailler, j’étais partout : dans les abattoirs, la boulangerie, la logistique, la fabrication d’ouvertures en aluminium, l’imprimerie… Au bout d’un moment, je me suis dit : pourquoi tout cela ? Je souhaitais être autonome depuis longtemps, et je cherchais une formation en mécanique. J’ai suivi une formation MMA (Mécanicien de maintenance automobile) à l’AFPA de Nantes durant huit mois en 2023. C’est pour cela que j’ai déménagé à Orvault, dans ce quartier Plaisance. Au cours de cette formation, j’ai fait des stages, au garage AD à Saint-Herblain et au garage de la ville d’Orvault puis j’ai commencé à travailler à Peugeot Nantes en intérim de janvier à septembre 2024.
« Alors, je me suis dit : j’ai la formation, j’ai l’expérience. Il est temps de créer mon entreprise, pour que je puisse m’occuper des enfants. »
Ma femme commençait une formation. Les enfants avaient besoin qu’on les amène à l’école. Être entrepreneur me permettait d’être autonome et de gérer mes horaires. Je n’avais plus envie de travailler pour quelqu’un.
Quel projet avez-vous développé et pourquoi ?
J’avais déjà pratiqué la mécanique chez moi, au Tchad, au Soudan, mais il me manquait des formations. Aujourd’hui, je me sens autonome et tranquille. Je suis immatriculé comme autoentrepreneur depuis décembre 2024. Le temps de financer mon matériel, j’ai démarré en mars-avril. J’ai commencé à réaliser des travaux de mécanique avec les voisins, les amis. On commence à m’appeler pour passer la valise de diagnostic auto. Selon les pannes, je répare quand je peux ou j’oriente les personnes. Les demandes les plus fréquentes sont les révisions, la vidange du filtre à huile, à gasoil, à habitacle, les disques plaquettes. Je répare tout sur place. Les amortisseurs aussi, le remplacement des rotules, les bras de suspension. L’idée de devenir mécanicien itinérant m’est venue en faisant des recherches sur internet et à l’occasion de la formation. Pour un mécanicien qui démarre, avec peu de clientèle, c’est intéressant. Tu achètes le camion et tu peux travailler sans avoir besoin d’avancer une somme pour le local. Je me déplace vers mes clients et petit à petit, je peux développer mon activité. Si cela fonctionne, pourquoi ne pas avoir un local un jour ?

Quels ont été les réussites et les freins dans la mise en œuvre de votre projet ?
Le coût de la formation en mécanique m’a freiné au départ. Elle coûtait entre 12 000 et 14 000 euros. Je ne pouvais pas la financer. Mes amis me disaient qu’il fallait cotiser. C’est ce que j’ai fait en travaillant, et quand je suis allé aux portes ouvertes de l’AFPA, j’ai appris qu’il existait des aides de la Région qui complétaient le financement. J’ai candidaté et j’ai été reçu. C’est pour cela que j’ai décidé de la faire. Une autre difficulté dans le fait d’être mécanicien itinérant, c’est que je travaille dehors et je suis donc soumis aux intempéries. Quand il fait froid ou qu’il pleut, c’est moins facile. Ma première réussite est d’avoir été naturalisé depuis janvier, je suis Français. Je me sens comme un citoyen français. J’ai pu obtenir mon matricule d’entreprise, le financement, acheter du matériel… Je commence à me faire des clients petit à petit.
Comment et par qui avez-vous été accompagné dans le montage de votre projet ?
J’ai parlé de mon projet à ma conseillère Pôle emploi qui m’a envoyé vers l’Aksis, un organisme prestataire qui accompagne les gens qui ont envie de créer leur propre entreprise. J’étais accompagné lors d’ateliers collectifs et rencontres individuelles, sur les étapes de la création d’entreprise, les formes juridiques, les financements, les aides. J’ai choisi le statut d’auto-entrepreneur pour mon activité. J’ai pu rencontrer l’Adie à ce stade. Ils m’ont posé beaucoup de questions, ont étudié et monté mon dossier pour le financement. J’ai obtenu un crédit de 9000 € pour acheter ma camionnette et les outils.
Le centre socioculturel du quartier m’a aidé aussi, par exemple pour la création de ma carte de visite. J’ajoute que je suis très reconnaissant envers l’élu du quartier Plaisance, monsieur Audion, le centre socioculturel, l’Agence Départementale de prévention spécialisée (ADPS) et l’équipe de médiateurs pour leur soutien quand j’ai été en difficulté de logement avec ma famille.
Quelles sont les particularités de créer votre activité en quartier prioritaire ?
Déjà, comme mon quartier fait partie des QPV, j’ai pu obtenir un financement. C’était une des conditions pour obtenir mon crédit. Comme je travaille beaucoup sur le parking, dehors, les gens commencent à m’identifier. Je me suis fait tellement de connaissances dans le quartier Plaisance ! C’est comme si j’habitais ici depuis toujours. Tout le monde me salue, même l’élu du quartier. C’est parce que je suis actif dans mon quartier. Je suis bénévole au centre socioculturel et au conseil citoyen. Une fois par an, nous rencontrons le Sous-préfet chargé de la politique de la Ville. Quand je suis arrivé dans le quartier, il y avait des activités pendant l’été. Avec mes enfants, on venait souvent et je voyais tout le monde donner un coup de main. J’ai proposé moi aussi d’aider et comme j’aime la vie associative, collective, j’ai été intégré dans le quartier. C’est comme cela que je me suis engagé au centre socioculturel et au conseil citoyen. S’ils ont des travaux mécaniques à faire, des soucis avec le camion du centre social, j’interviens de temps en temps. Je peux aller jusque’à 50 km, toute l’agglomération de Nantes. Dans le quartier, si les gens sont dans le besoin et font appel à mes services, au début, je les dépanne rapidement. Je sais qu’ils me feront de la publicité, en passant le message qu’on a un mécanicien dans le quartier.
Quels sont vos souhaits pour l’avenir et pour développer votre activité ?
« J’aimerais beaucoup ouvrir mon propre garage. »
J’aimerais beaucoup ouvrir mon propre garage même s’il n’est pas grand, pour avoir des machines me permettant de réaliser les réparations d’usure comme un pont élévateur, un démonte-pneu automatique. C’est mon souhait pour l’avenir. Et suivre de nouvelles formations, comme l’habilitation aux voitures électriques.

Propos recueillis par Marie Fidel


