Portrait d’entrepreneur. Kader KONATE, un espoir pour la jeunesse | Nantes

Badeya n’est pas seulement un restaurant. C’est un moyen d’insérer, d’inspirer, de rapprocher et faire dialoguer les cultures. Un projet créé par Kader qui met tout son cœur, son énergie et ses compétences
pour que les jeunes, issus de quartiers ou d’ailleurs ne se heurtent pas aux mêmes barrières que lui…

Nom : KONATÉ
Prénom : Kader
Âge : 22 ans
Signes distinctifs : Quand il a une idée, Kader va jusqu’au bout.
Nom de l’entreprise : Badeya
Nature de l’activité : Restaurant associatif pour la découverte culturelle & l’insertion professionnelle.

Pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous a mené vers l’entrepreneuriat ?

« Badeya signifie amour fraternel en malingue, djoula, bambara. Plus qu’un restaurant, c’est un moyen pour nous d’attirer, de former et de permettre l’insertion professionnelle. »

Je suis Kader Konate. Je viens de Côte d’Ivoire. Je suis arrivé en France à l’âge de 16 ans, il y a sept ans. Au début, j’avais de la difficulté à m’intégrer socialement et professionnellement. Je ne connaissais personne, j’avais du mal à comprendre la culture française. Je me sentais rejeté. Certains employeurs me reprochaient mon accent. Après mon apprentissage dans le restaurant associatif Interlude, qui a fermé ses portes en 2022 après 30 ans d’activité, j’ai compris que la clé était l’adaptation entre les cultures. J’ai travaillé en CDI dans de nombreux établissements comme la brasserie 100 patates ou Sodexo à la Beaujoire. Je me suis dit : dès que j’ai un peu de moyens, je vais essayer de créer un cadre pour aider les personnes nouvellement arrivées sur le territoire à s’intégrer facilement dans la culture française. Et aussi permettre aux personnes éloignées du milieu professionnel de s’insérer par le biais de stages et d’apprentissages. L’objectif était là, ce n’était pas le restaurant en soi, même si en tant que professionnel, je devais développer cette activité principale comme source de revenus. J’ai donc quitté mon travail. Mon patron m’a soutenu et accordé une rupture conventionnelle.

Quel projet avez-vous développé et pourquoi ?

Quand j’étais en apprentissage cuisine au CFA, j’ai vu beaucoup de jeunes sans distinction de couleur avoir des difficultés à trouver des stages, car ils venaient des quartiers « chauds ». Je souhaitais les aider à travers mon projet. Le restaurant, c’est mon savoir-faire. Je sais qu’avec la cuisine on peut attirer beaucoup de monde et favoriser la mixité culturelle. J’ai créé l’association Badeya en décembre 2022 et commencé mon activité le 22 avril 2023. Badeya signifie amour fraternel en malinké, dioula, bambara. Badeya promeut à la base la culture africaine, mais plus largement toutes les cultures. Plus qu’un restaurant, c’est un moyen pour nous d’attirer, de former et de permettre l’insertion professionnelle. En plus de l’activité de restauration, on organise des événements festifs, des danses, des concerts, des tournois de football mixtes et inclusifs… La salle est devenue trop petite !

Quels ont été les réussites et les freins dans la mise en œuvre de votre projet ?

Ma plus grande réussite a été de recevoir le titre de lauréat de Talents des Cités en 2024. J’ai été invité à l’Élysée, j’ai rencontré le Président. Quand je vois que Badeya a employé une douzaine de salarié·es, dont cinq apprenti·es, depuis l’ouverture, ainsi qu’une vingtaine de stagiaires sans oublier quelques bénévoles, je suis fier. C’est une réussite pour moi, car je voulais que ces jeunes puissent accéder au métier. Les principaux freins sont financiers. Nous avons aussi subi des escroqueries bancaires, des arnaques comme l’achat d’une hotte à 7000 € que nous n’avons jamais reçue. Sachant que cette activité, je l’avais commencée avec un capital de 8000 €… C’est compliqué pour nous, mais nous sommes le restaurant le moins cher du centre-ville. Nous avons rencontré des problèmes de voisinage avec nos évènements, ce qui a terni tout le travail que nous essayons de mettre en place. Le plus compliqué c’est que nous n’avons pas vocation à rester ici dès le départ. Le bâtiment va être détruit. Nous allons potentiellement nous installer dans le centre commercial Sillon de Bretagne, mais ce ne sera pas facile, pour notre visibilité… On espère pouvoir passer cette étape-là.

Comment et par qui avez-vous été accompagné dans le montage de votre projet ?

La première étape a été Singa Nantes, une association qui accompagne les entrepreneurs qui ne sont pas français. Pendant six mois, avec le dispositif L’incubateur, j’ai été formé en gestion, comptabilité, recherche de financements… Parallèlement, la ville de Nantes lançait un appel à projets « 7 lieux à réinventer ». J’ai déposé ma candidature pour l’ancienne gare routière de Nantes et nous avons obtenu ce local gracieusement. La région nous a financé la somme de 21 000 € pour aménager la cuisine. J’ai aussi été suivi par l’Ouvre-boîte qui m’a donné des conseils via le dispositif Osez Entreprendre. BPI France et France active sont toujours là pour moi, prêts à me financer. Et les dirigeants du restaurant Interlude m’ont beaucoup aidé. Ce sont des personnes de cœur. Sans eux je n’aurais jamais pu monter ce projet.

Quelles sont les particularités d’exercer votre activité en centre-ville plutôt qu’en quartier prioritaire ?

Badeya n’est pas installé dans mon quartier, justement. Le fait qu’il soit en plein centre-ville, une zone « neutre », permet d’attirer les habitants de tous les quartiers de Nantes et d’éviter les rivalités entre quartiers prioritaires. Cela rassemble les habitants. Lorsque j’organise mes tournois de FIFA ou de foot mixte, je n’ai aucun problème. Je peux parfois accueillir jusqu’à une centaine de jeunes de tous les quartiers et jamais je n’ai besoin d’appeler la sécurité ou la police pour superviser. Mon objectif est de montrer à ces jeunes que j’habite un quartier populaire, que je ne suis même pas né ici et pourtant, j’ai monté une activité de cette envergure. Je souhaite leur dire : vous aussi, vous pouvez. Je les encourage à venir aux activités que nous organisons, à sortir de leur quartier. J’ai toujours été dans les quartiers soit Bellevue, soit Malakoff, depuis que je suis à Nantes et j’ai remarqué que les jeunes ne savent pas quoi faire pendant les vacances, alors le risque est que les grands leur proposent les produits. Moi, je leur propose autre chose : jouer, sortir…

Quels sont vos souhaits pour l’avenir et pour développer votre activité ?

J’aimerais pouvoir ouvrir plusieurs Badeya dans la région et en France pour permettre aux jeunes de mieux s’intégrer et d’avoir moins de difficultés que moi en 2017. Quand tu arrives ici et que tu n’as pas de parents, c’est très difficile. Mon plus grand souhait serait que la ville de Nantes nous soutient et nous propose un beau bâtiment pour poursuivre nos projets sans déranger les voisins. Ce projet ne peut pas mourir. Ce que Badeya apporte aujourd’hui à la ville de Nantes est énorme. Nous sommes devenus un repère pour les sans-abris, proposant des repas gratuits. Ça fait tellement longtemps que je tiens malgré les difficultés. Je dois souvent renoncer à me rémunérer. Ma priorité est mes salarié·es et mes apprenti·es, qu’ils ne perdent pas leur métier. Je veux continuer à inspirer et encourager les jeunes, car Badeya aujourd’hui est un espoir pour la jeunesse.

« Badeya aujourd’hui est un espoir pour la jeunesse. »

Propos recueillis par Marie Fidel

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