Portraits de femmes. Sandrine Berthier, semeuse de rêves à Vannes

Sandrine, semeuse de rêves à Ménimur

Nom : BERTHIER

Prénom : Sandrine

Âge : 42 ans

Quartier :  Ménimur, Vannes

Signes distinctifs : Ne peut se priver d’une seule chose : manger bio. C’est un besoin fondamental voire même un acte politique pour Sandrine.

Engagements : Tirer son quartier vers le haut, faire communauté, agir sur la discrimination, les inégalités femme-homme, la précarité, l’éducation, le manger sain.

 

Des rêves, Sandrine en a plein la tête. Ils ont germé à Ménimur, quand elle s’y est projetée pour élever ses enfants. Rares sont les personnes à savoir conjuguer les rêves au présent, avec le verbe faire. Faire communauté, créer l’âme du quartier, cueillir des pommes avec les enfants sur le chemin de l’école, voilà ce que Sandrine souhaite pour demain. Des lanternes qui la guident pour « tirer le quartier vers le haut », comme elle dit.

 

« C’est grâce aux utopies que le monde est meilleur. Car une utopie peut devenir réalité !  »

 

 

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre quartier ?

« Je suis arrivée à Ménimur il y a 15 ans. J’ai élevé mes deux enfants seule. De façon subite puis par choix. Il y a beaucoup d’amour et de respect dans mon foyer. C’est pour ça qu’en découvrant le quartier, ses souffrances — des femmes menacées de mort et obligées de fuir, thématique que je connais personnellement — ses inégalités, les trafics (quand mon fils passait devant des dealers en allant à l’école…), les migrants et leur chemin de croix, j’en suis restée sans voix. C’est ici que j’élève mes enfants. Je n’ai pas les moyens de partir. C’est donc mon environnement que je dois changer. Ménimur fait partie des quartiers les plus pauvres de Bretagne. Vannes est la ville la plus inégalitaire. Je me sens étrangère au centre-ville. C’est à peine si je peux m’y offrir un verre une fois tous les 6 mois. Et l’on nous demande d’en sortir ? Je préfère changer les choses de l’intérieur.»

 

« Puisque je ne peux pas bouger, je vais faire bouger mon environnement. »

 

Quand avez-vous commencé à donner du temps pour votre quartier? Quel a été le déclic?

« Je me suis installée à mon compte en 2007 d’abord en tant que graphiste. Les conseils citoyens ont démarré. C’était l’occasion, après quelques travaux pour l’ANRU, de m’investir concrètement pour mon quartier. J’ai initié un projet d’échange de biens et de services entre habitant•e•s. J’ai participé à la marche exploratoire des femmes. La ville est construite par les hommes, pour les hommes. Nous devons partager les décisions et leur mise en œuvre. Il y a 3 ans, j’ai vu un article dans la presse sur le Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) de Pipriac St Ganton. C’est un cercle vertueux : du travail pour toutes les personnes privées d’emploi durablement, des services inexistants, mais nécessaires rendus aux habitant•e•s et aux entreprises de quartiers. Il était impensable pour moi que cela n’existe pas non plus ici. Alors j’ai retroussé mes manches durant plus de deux ans. Mon crédo c’était de tirer Ménimur vers le haut. »

 

 Pensez-vous qu’être une femme change la donne lorsqu’on s’engage sur un territoire? (Le regard est-il différent? Faire entendre sa voix est-il plus difficile?)

« Certains partenaires n’ont pas accepté ma légitimité sur ce projet d’ambition. J’ai bien senti le fait que quand on est une femme, quand on vient de nulle part, quand on habite un quartier, certains considèrent que l’on ne sait pas les choses. Cela m’a valu des critiques, des diffamations. Aussi, le fait d’être une famille monoparentale a été un frein énorme pour moi. Pourquoi les réunions ont-elles toujours lieu le soir ? L’autre problématique, c’est mon pouvoir d’achat. Il a fallu beaucoup d’abnégations pour monter mes projets. Se battre pendant des années sur le terrain peut être très long et frustrant. C’est pourquoi l’engagement politique me semble une bonne continuité. J’ai quitté la présidence de Nov’ita, je suis maintenant conseillère municipale.  »

 

Nous sortons de deux mois de confinement, quelles ont été les difficultés vécues par les familles du quartier?

Les personnes les plus précaires étaient déjà isolées, souvent privées d’emploi. Des situations se sont dégradées. Les séparations ont appauvri encore plus les individus. Il y a eu un arrêt brutal de l’aide alimentaire le temps que les assos de quartier prennent le relais. Il y a eu une hausse des violences intra familiales tant sur les femmes que les enfants, ce qui est intolérable… et qui ne concerne pas seulement nos quartiers. La suroccupation des logements qui favorise la transmission des virus est un risque ressenti, sans parler du stress engendré par cette promiscuité pour les familles les plus fragiles. »

 

Avez-vous un rêve pour votre quartier et ses habitant·e·s?

« J’ai encore beaucoup de rêves pour que Ménimur devienne le quartier où chacun•e peut s’épanouir dans le respect des autres. Entre les inégalités femmes-hommes, la pauvreté, la malbouffe (la pandémie a fait des ravages sur les populations n’ayant pas accès à une alimentation saine ), l’accès presque inexistant à la culture, la fracture numérique, l’éducation, l’écologie… J’aimerais faire de mon quartier un lieu exemplaire où l’on se connaît, où l’on s’entraide, où chacun•e a sa place, où la nature reprend son espace, où l’on peut manger bio tous les jours à sa faim et les inégalités disparaissent, où l’on partage son savoir, où l’on entreprend et l’on innove. C’est grâce aux utopies que le monde est meilleur. Car une utopie peut devenir réalité. À nous de la réaliser. »

Propos recueillis par Marie Fidel

 

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