Portraits de jeunes. Wardia FIKRI, repousser les frontières ! Redon

Curieuse, Wardia aime comprendre le monde qui l’entoure et franchir toutes les frontières, entre la France et le Maroc, entre les quartiers et le centre-ville. Engagée dans la commission jeune de son quartier, Wardia est animée par l’envie d’agir et d’être indépendante. Plus tard, elle est sûre d’une chose, elle sera libre et travaillera pour elle.

Nom : FIKRI

Prénom : Wardia

Âge : 16 ans

Signes distinctifs : Souvent on me dit que je suis très calme. J’ai quand même un très fort caractère. Je sais ce que je veux et je le dis, mais toujours très calmement.

Engagements et projets : Je suis présidente de la Commission Jeunes. Je reviens tout juste du séjour qu’on a organisé dans cette commission. Je suis engagée aussi dans mon club de sport, je fais du handball et j’arbitre certains matchs des catégories plus jeunes.

 

Présentation : Peux-tu nous raconter ton histoire, l’endroit où tu as grandi, où tu habites ?

Je m’appelle Wardia Fikri, j’ai 16 ans, je suis scolarisée au Lycée Saint-Sauveur, à Redon. Je passe en première générale, spécialité math, SES et histoire-géo, géopolitique, sciences politiques, l’équivalent d’un bac ES. J’habite à côté de Bellevue, qui est un quartier plein de vie, avec énormément de jeunes. Il s’y passe beaucoup de choses. J’ai toujours vécu ici. Le premier immeuble où on a vécu a été détruit, comme toutes les grandes tours. Depuis 2015, on est passé d’un appartement à une maison. Je n’ai jamais entendu de stéréotypes sur mon quartier. J’étais dans une école en centre-ville, puis un collège et un lycée privé. Il y a forcément des idées reçues, mais je ne les ai jamais ressenties. Cela reste une petite ville alors la délinquance, quartier ou non, on n’est pas concernés. Mes parents sont originaires de Casablanca, au Maroc, puis ils sont allés à Rennes avant de s’installer à Redon. J’ai la double culture et nationalité franco-marocaine. On peut vite être perdu entre les deux, mais on apprend à faire la part des choses et à agir selon l’endroit où l’on est. J’ai la chance de parler et de comprendre l’arabe.

« J’ai la double culture et nationalité franco-marocaine. On peut vite être perdu entre les deux, mais on apprend à faire la part des choses et à agir selon l’endroit où l’on est. »

Projets et engagements : Quels sont tes projets personnels et professionnels, tes engagements ?

Je suis présidente de la Commission Jeunes. C’est un regroupement de jeunes du quartier avec lequel on organise plusieurs projets. La dernière fois, on a ramassé les déchets, tous les gens du quartier étaient invités. On améliore ce que l’on souhaite dans le quartier. C’est une initiative de l’Office Intercommunal des Sports du Pays de Redon, dont fait partie mon club de handball. Je me suis investie, car je voulais agir, être quelqu’un d’important. Pouvoir être en capacité de faire changer les choses, faire entendre notre voix. Beaucoup se plaignent, mais pour agir, il faut suivre. On est encore novices, la commission est née en septembre 2020. Mes projets futurs sont vagues. Je suis très curieuse. L’histoire, la politique m’intéressent. J’aime comprendre ce qui se passe autour de moi. Peut-être dans le droit ou l’économie, mais je n’ai pas encore d’idée de métier en tête. J’ai des critères : je veux être indépendante, travailler pour moi. Être assez libre. Je ne veux pas entrer dans une routine et faire tout le temps la même chose. Entrer dans un bureau à 8 heures, ressortir à 19 heures, ce n’est pas quelque chose qui m’attire.

« Je n’ai pas encore d’idée de métier en tête. J’ai des critères : je veux être indépendante, travailler pour moi, être assez libre. »

Tu fais partie d’une génération traversée par des mouvements sociaux très forts, Black Lives Matter, les Marches pour le climat, #MeToo, etc., qu’est-ce que ça t’inspire ?

Je trouve cela inspirant, justement, que des voix se soulèvent sur des sujets qui ont été très longtemps tabous. Les conditions de la femme m’intéressent directement, en tant que future femme. Je fais mes recherches, je trouve cela très intéressant. Je ne sais pas si je suis vraiment active, dans le sens où je ne vais pas directement manifester, mais ça me plait, justement, que des gens osent le faire. Au niveau du racisme, c’est seulement maintenant qu’on ose en parler, alors que cela dure depuis longtemps. La mort de George Floyd, l’an dernier pendant le confinement, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Être jeune en 2021 : Pour toi, qu’est-ce que ça veut dire d’être jeune en 2021 ? Comment as-tu vécu le confinement et les restrictions actuelles liées à la situation sanitaire ?

C’est d’être enfermée et libre à la fois. C’est quand même plus facile, je pense, car on a accès à plus de libertés qu’avant en tant que jeune comme sortir, faire des activités, accéder au sport, aux loisirs… Avant je pense que c’était beaucoup plus « école-maison », une vie monotone.

Le Covid, au début, avec mes amis, on prenait tout ça à la rigolade ! C’était en Chine, le temps que ça arrive à nous… Mais le confinement est arrivé super vite. J’ai eu du mal à comprendre, à réaliser. On était en cours, et en mars, j’ai quitté le collège précipitamment. Mais je ne suis pas à plaindre, comme j’habite dans une maison. Nous sommes une fratrie de cinq enfants, on était tous à la maison. Il y avait de la vie, de l’ambiance ! À la fin, c’était un peu pesant, d’être sans arrêt ensemble sans voir personne d’autre.

« Être jeune en 2021, c’est être enfermé et libre aussi. »

Ce qui est compliqué, c’est qu’on pense que c’est fini, à chaque déconfinement, qu’on revient à la vie normale, mais non. La rentrée au lycée, c’est un nouvel environnement, cela nous a été un peu gâché. On n’a pas pu vivre pleinement notre année de seconde, alors que c’est la seule où on est tranquille sans examen. En mai, quand on est revenus en classe entière, il y avait presque un malaise, parce qu’on ne se connaissaient qu’en demi-groupe… Une semaine sur deux avec les cours en visio, j’avais l’impression de n’être pas là, comme spectatrice d’une pièce de théâtre.

As-tu un rêve, une raison d’espérer pour toi/pour ton quartier et ses habitant·e·s ? 

Ce qui me fait rêver, c’est de réussir ma vie, être heureuse. M’épanouir professionnellement, personnellement… Être heureuse dans ce que je fais et autour de moi, avec ma famille. Qu’on réussisse tous ! Ce qui devrait changer au niveau du quartier, ce sont les mentalités des gens extérieurs. Moi je n’ai pas été confrontée à ça, mais je souhaite que les stéréotypes soient cassés une fois pour toutes. Un quartier, c’est quoi, c’est la pauvreté, personne n’a de travail, de permis, tout le monde qui galère ? Alors que quand tu regardes, non. Ce n’est pas parce qu’on vit tous ici qu’aucun de nous ne va réussir ou n’a déjà réussi. Casser ces stéréotypes, il serait temps, car on est quand même en 2021 ! Michelle Obama est une femme très inspirante. Elle a un parcours très beau. Elle n’a pas toujours été aussi haut, elle a gravi les échelles sociales. Tous les entrepreneurs qui ont réussi, je trouve cela inspirant, comment ils sont passés de rien à tout.

Propos recueillis par Marie Fidel

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