Joindre l’utile au pédagogique par l’entrepreneuriat coopératif
Entretien avec Pascal VIAU
Une Coopérative Jeunesse de Services regroupe une quinzaine d’adolescents âgés entre 16 et 22 ans. Ces jeunes mettent en commun leurs compétences afin d’offrir une gamme de services à leur territoire via la création de leur propre entreprise coopérative.
En bref
Porteur du projet : Coup de Pouce 49
Partenaires : Mission locale, IRESA (Inter Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire en Anjou), Association Léo Lagrange, Ville de Trélazé, Conseil Régional, Crédit Mutuel
Contact : Pascal VIAU, fondateur et gérant de la coopérative Coup de Pouce 49
pascal.viau@coupdepouce49.fr – Tel : 02 41 34 94 02
Date de l’action : été 2014
La genèse de la démarche
Née au Québec il y a une vingtaine d’années, la Coopérative Jeunesse de Service (CJS) a pour objectif de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat collectif. Elle s’inscrit dans une communauté, sur un territoire défini et dans un temps limité. Arrivé en France depuis trois ans grâce à plusieurs coopératives visionnaires et au réseau national Coopérer Pour Entreprendre, le concept novateur séduit de plus en plus de jeunes et d’acteurs économiques et sociaux.
En 2014, sous l’impulsion de Pascal Viau, directeur de Coup de Pouce 49, quinze volontaires de la ville de Trélazé, âgés de 16 à 22 ans, se réunissent le temps d’un été pour réaliser cette expérience unique.
Descriptif de la démarche
Encadrés par deux animateurs et soutenus par de nombreux acteurs de la ville, les volontaires de Trélazé participent à une semaine de formation avec au programme des cours de communication, de gestion, de vente ou encore de comptabilité. L’objectif étant de comprendre le fonctionnement d’une société et sa gestion. Une fois formés, ces jeunes entrepreneurs montent et dirigent eux-mêmes leur société éphémère, « Trélaz & Vous », hébergée par la coopérative Coup de Pouce 49. Elle propose aux professionnels et aux particuliers de leur quartier des services en jardinage, baby-sitting, lavage de vitres, manutention, prospection et ménage.
C’est un pari risqué pour ces entrepreneurs qui n’ont pas l’assurance d’obtenir un chiffre d’affaires suffisant pour se rémunérer. Ils doivent faire preuve d’implication et de motivation pour rendre leur projet viable. Et pourtant, lors de l’expérience, ce ne sont pas moins de vingt-deux personnes, treize associations et collectivités qui leur font confiance. Sur deux mois, les jeunes de Trélazé réaliseront 625 heures volontaires, dont 235 heures de contrats pour un chiffre d’affaires de 3 944 euros.
La CJS : une 1ère expérience professionnelle
Avant ce projet, aucun des participants n’avait été confronté au monde de l’entreprise et peu d’entre eux avaient déjà rédigé une lettre de motivation ou un curriculum vitae. Cette première expérience leur permet une immersion totale dans l’univers de la coopération au travail.
Au cours de l’aventure, les jeunes sont amenés à s’interroger sur la répartition de l’argent dans une société. Ils se familiarisent avec le fonctionnement des cotisations sociales et des différentes charges inhérentes à l’entreprise. Cette expérience leur apporte également « une somme de détails évidents », comme le souligne Pascal Viau. Ils apprennent la prise de parole en public, le déroulement d’un entretien d’embauche ou encore la rédaction d’un CV.
En les rendant acteurs de leur vie professionnelle, la CJS leur offre surtout un nouveau regard sur le monde du travail et démystifie l’univers de l’entreprise en le rendant compréhensible et accessible.
Vie de quartier : mixité et échanges
Une CJS est une rencontre entre plusieurs jeunes adultes d’un même territoire venant d’horizons différents qui n’auraient pas eu l’occasion de se côtoyer en dehors de la coopérative. Grâce à elle, ils apprennent à se connaître, mais surtout, à travailler ensemble.
C’est également une rencontre entre des jeunes et les habitants de leur quartier. À travers divers témoignages vidéo réalisés au cours de l’expérience, les clients de Trélaz’ & Vous ont pu exprimer leur contentement vis-à-vis du projet et du travail fourni par nos entrepreneurs en herbe. Un bon moyen de favoriser l’échange entre les générations et de développer la reconnaissance des jeunes dans leur quartier.
Durant deux mois, les volontaires ont également côtoyé de nombreux acteurs de leur ville et commencé à se constituer un carnet d’adresses professionnel. Ils ont notamment pu rencontrer des personnalités parmi lesquelles la vice-présidente du Conseil Régional, la Directrice Générale et le Président du Crédit Mutuel, ainsi que le Député-Maire Marc Goua. Ces adultes qui prennent part à l’aventure, qu’ils soient particuliers, élus ou entrepreneurs, font acte de citoyenneté en participant à un projet constructif pour leur ville. « Mais c’est également l’occasion pour eux de partager leur histoire et d’expliquer aux jeunes que l’entrepreneuriat est possible », précise Pascal Viau.
Une expérience unique de transversalité
Lors de la création d’une Coopérative Jeunesse de Service, un pôle de partenaires locaux se met en place pour soutenir le projet et accompagner les jeunes sur le territoire.
Cette initiative relève de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) dont la mission est de concilier solidarité, performances économiques et utilité sociale. Cela permet une garantie des valeurs de la coopérative, car le but de l’opération n’est pas de créer une entreprise avec pour objectif unique une rentabilité financière, mais proposer une véritable expérience. L’ensemble des partenaires compose un comité. C’est lui qui définit les tenants et aboutissants du projet. Il est garant de l’objet, s’occupe de la promotion de la CJS, de son financement et de son suivi.
Dans le cadre de la CJS, il est essentiel de faire cohabiter les acteurs de l’éducation populaire, qui connaissent les jeunes, et les acteurs du développement économique, qui connaissent le fonctionnement d’une entreprise et garantissent son esprit économique et social. Sont réunis dans le projet : la mission locale, l’IRESA (Inter Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire en Anjou), l’association de quartier Léo Lagrange, la ville de Trélazé et le Crédit Mutuel, banque coopérative. Enfin, le comité est, bien entendu, constitué de membres de Coup de Pouce 49, ainsi que de particuliers ayant une bonne connaissance du territoire.
Nous retrouvons également cette volonté de transversalité dans le recrutement des deux animateurs. L’un avec un profil d’éducation populaire, proposé par l’Association Léo Lagrange, et l’autre avec un profil économique, proposé par Coup de Pouce 49. Les deux profils permettent de répondre à l’ensemble des besoins des coopérants.
Une CJS permet donc de fédérer tout un quartier en réunissant autour d’un projet commun des acteurs de la ville aux profils différents.
Le bilan
« Le bilan de cette première expérience est extrêmement positif », se félicite Pascal Viau. Pour les jeunes, les bénéfices de ce projet sont multiples. Ils entrent dans le monde du travail avec une bonne connaissance de ses rouages et une meilleure confiance en eux pour démarcher les entreprises. La perception de leur territoire est plus précise et ils en connaissent désormais les acteurs : entreprises, associations, institutions, ainsi que les élus et leurs rôles.
De la même façon, la vision sur les jeunes a évolué : les habitants reconnaissent la qualité de leur travail, les entreprises leur font confiance, les élus se déplacent pour les féliciter. Ils sont désormais connus et reconnus.
Enfin, une CJS est l’occasion de renforcer l’unité d’un territoire en faisant coopérer de nombreux acteurs politiques, économiques et sociaux.
La suite
Suite au bilan positif de cette première entreprise, la ville de Trélazé réitère l’expérience pour l’été 2015. Un futur projet est également prévu dans le quartier Monplaisir d’Angers. Une dizaine de Coopératives Jeunesse de Services sont en projet sur le territoire Pays de la Loire.
Pour aller plus loin en images
Spot publicitaire Trélaz’&Vous : On s’occupe de tout
Reportage réalisé par les jeunes de la CJS de Trélazé
Article rédigé par Marine DENIS, journaliste – mai 2015