Quelles synergies pour le développement territorial dans l’Ouest ?
Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Christian Pihet, professeur de géographie à l’Université d’Angers et chercheur à l’UMR du CNRS Espaces et sociétés
Dans l’Ouest de la France, les relations entre des villes moyennement dynamiques et un monde rural abondant et structuré de façon traditionnelle ont longtemps été ténues et peu consistantes. Avec les transformations de la fin du vingtième siècle, les campagnes sont largement passées sous influence urbaine. Cependant la revitalisation sociale et économique du tissu rural, partiellement en cours, constitue la condition d’un développement régional équilibré.
Au recensement de 1962, la « grande région » de l’Ouest, Bretagne, Basse Normandie et Pays de la Loire, telle que l’entendait le géographe rennais Pierre Flatrès, comptait un peu plus de 6 millions d’habitants. La singularité de cet ensemble était liée à la relative uniformité de la répartition de la population avec une proportion majoritaire de population rurale. Le constat était alors celui de la tension démographique et de la surpopulation, notamment rurale. Aujourd’hui, l’ensemble dépasse les 9 millions d’habitants avec plus des deux tiers résidant dans les aires urbaines. De plus celles-ci se sont considérablement étendues dans l’espace rural à partir des villes et le long des axes majeurs de communication.
Dès lors, au fil du temps, s’opère une transformation des rapports économiques, sociaux et politiques au bénéfice des entités urbaines. Elles concentrent les emplois et les entreprises, notamment les plus performantes. Sur le plan de la direction des territoires, la domination des notables ruraux s’estompe, progressivement remplacée par celle des élus urbains. La décentralisation, particulièrement la création des régions, accentue ce mouvement. A titre d’exemple, en Pays de la Loire, les quatre premiers présidents du conseil régional – Olivier Guichard, François Fillon, Jean-Luc Harousseau et Jacques Auxiette – sont issus des villes.
Dans un contexte économique qui met l’accent sur l’avantage des villes, les territoires ruraux sont considérés au mieux comme périphériques et en marge et le plus souvent comme des fournisseurs de réserves d’espaces. Et pourtant, la pauvreté et la marginalité font aussi partie des caractéristiques de cette expansion urbaine dans l’Ouest comme ailleurs. A contrario il a été aussi question de
« renaissance rurale » (Kayser) dans les années 1990.
L’analyse distanciée et scientifique se doit donc de concilier à la fois la vulnérabilité des zones rurales et les dynamiques et mutations émergentes. Une condition paradoxale mais qui se retrouve fréquemment dans nos territoires ruraux. C’est l’objet du présent texte orienté sur le potentiel de développement global que représente déjà une meilleure articulation entre les villes et les campagnes. Une articulation qu’il conviendrait évidemment d’améliorer.
Des ruralités sous influence urbaine
Aux limites géologiques et climatiques qui fondaient en partie la spécificité de l’Ouest il était fréquemment ajouté des arguments relatifs à la préservation de structures rurales originales, une faible représentation de la vie urbaine et industrielle et l’isolement régional enfin. Pour autant, à quels héritages et quelles filiations sur la longue durée renvoie cette spécificité de campagnes fracturées culturellement et politiquement depuis la Révolution (PauNormandie reste un espace en marge du rayonnement parisien, la Bretagne et les Pays de la Loire enregistrent des taux de croissance démographique et aussi économique supérieurs à la moyenne nationale.
De fait les transformations socio-économiques des dernières décennies ont contribué à façonner des différenciations majeures au sein de ces campagnes. Par exemple le plan routier breton ou encore les opérations de décentralisation industrielle conduites avec l’aide de l’Etat par le biais de la DATAR ont joué un rôle important dans ces transformations du monde rural en ouvrant des perspectives d’emploi et de promotion sociale aux habitants des bourgs et des hameaux. Le désenclavement social a suivi faisant apparaître de nouvelles catégories professionnelles dans des sociétés demeurées souvent figées. L’exode rural s’est tari dans les années 1960 et autour des centres urbains, l’exode urbain a revivifié et transformé les villages.
Aujourd’hui, c’est-à-dire à la fin de l’exode, l’Ouest rural accueille environ 3 millions d’habitants. Les proportions varient considérablement selon les départements. Au recensement de 2013 la Mayenne comptait 51 % de résidents en aire rurale alors que la Loire Atlantique et l’Ille-et-Vilaine en dénombrent moins de 20 %. Toutefois, la proportion en Bretagne et en Pays de la Loire demeure supérieure à la moyenne nationale (20,7 %).
Ces aires se décomposent sommairement en quatre types d’espaces distincts, mais qui sont tous des espaces caractérisés par le changement et les mobilités […]
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Crédit photo : Brest Métropole