Dispositifs d’animation temporaire pour se réapproprier les rez-de-chaussée

Crédit : Aiguillon Construction

 

A travers les échanges avec les bailleurs, collectivités ou associations de quartier, nous avons pu découvrir la grande richesse et l’ingéniosité de ces acteurs pour proposer des formes d’animations temporaires des abords de rez-de-chaussée jusqu’aux halls. Dans chacune de ces actions, ces espaces résidentiels deviennent des espaces support accueillant plus ou moins temporairement une activité ciblant différents enjeux. Dans de nombreux cas présentés ici, ces occupations de l’espace public sont vues comme une façon d’entraver des pratiques pouvant être à l’origine de nuisances pour les habitants. Par ces présences, par de l’aller-vers aussi, ces actions participent à comprendre plus finement ces problématiques d’occupation, de dégradation voire d’y apporter directement des solutions. Panorama.

 

1. Mosaïque Quartier : des créations habitantes pour leurs halls. ATD Quart Monde et Archipel Habitat. Le Blosne, Rennes

A Rennes de nombreuses mosaïques de la famille Odorico parent les façades et monuments de la fin du XIXe siècle en centre-ville. En partant de cette inspiration locale, d’une volonté de s’approprier ce patrimoine et profitant de la richesse multiculturelle des habitant·es du Blosne, un projet créatif s’est monté.

En 2012, un atelier a été aménagé en bas d’une tour du quartier, du matériel récupéré ou prêté par le musée de Bretagne, le tout animé et appuyé par une mosaïste et les militants d’ATD Quart Monde. Pendant un an, c’est plus de 150 habitant·es qui se sont impliqué·es dans ce projet en créant pas moins de 50 mosaïques

 

Jusqu’au musée puis dans les halls. Les mosaïques, ont été exposées au musée de Bretagne puis fait l’objet d’un livre édité par ATD Quart Monde. Emballé par l’émulation autour du projet, Archipel Habitat, le bailleur de cette tour, a souhaité inclure ces œuvres dans son projet de réhabilitation de ces mêmes halls. Ainsi, dans cinq halls, les réaménagements ont été discutés avec les résidents et une partie des œuvres y ont été installées. Fiers de voir leur travail ainsi exposé dans ces espaces collectifs, les réactions de habitants étaient enthousiastes.

Petit aperçu vidéo de l’installation dans un hall : https://www.dailymotion.com/video/x147kg1

 

 

2. Des cafés-halls, un prétexte pour perturber les occupations et recréer du lien – faire de l’occupation positive

A Rennes, Aiguillon Construction organise des cafés hebdomadaires en pied d’immeuble et au sein des halls dès qu’il est constaté une situation d’occupation abusive d’un hall. Ce renforcement de la présence du bailleur en proximité permet, à la fois de rassurer les locataires du fait que le bailleur prend en compte cette difficulté, mais aussi de perturber régulièrement ces occupations sans pour autant chercher la confrontation. En effet, généralement ces publics finissent par éviter le site au moins le temps de l’animation, ou bien accepter la cohabitation. Dans ce second cas, les agents ne se posent pas dans une posture frontale mais plutôt d’ouverture et de dialogue. Cette prise de contact peut permettre d’orienter les jeunes vers des solutions, des structures, en fonction de leurs besoins mais aussi, par l’échange, de faire comprendre les nuisances et les désagréments qu’ils peuvent causer.

 

3. Le Collectif des Mamans29, quand les habitantes mobilisent les espaces publics pour lutter contre la petite délinquance.

Dans le quartier de Bellevue à Brest depuis 2023, un collectif de mamans du quartier se réunit d’abord autour d’une conversation sur WhatsApp afin de s’échanger des informations. Ce regroupement émerge face à la crainte de ces mères parfois confrontées à la déscolarisation de leurs jeunes mais aussi l’aspiration de certains d’entre eux vers des pratiques de squat voire des activités illégales.

Rapidement, elles investissent les pieds d’immeuble, dans un premier temps pour rencontrer d’autres mamans, des parents isolés pour créer du lien et apporter de l’information sur les ressources et animations dans le quartier.  Mais aussi pour aller vers les jeunes qui occupent les espaces publics, leur proposer des activités, des animations sportives. Ouest-France rapporte : « Ce n’est pas l’espace à occuper qui manque par ici », remarque Nida, qui pense notamment aux vastes halls d’entrées des immeubles des Bahamas. « Ces endroits sont utilisés maladroitement par des jeunes. On voudrait y organiser des cafés, des rencontres entre habitants. Si on connaît ses voisins, on va les respecter, et ne pas dégrader. »

Soutenue par la collectivité et d’autres acteurs du quartier, elles poursuivent et développent leurs actions dans l’espace public : atelier de maquillage et de tresses, défi verts pour nettoyer le quartier, journées sports, jeux de société, ateliers cuisine avec Vert le jardin, ou encore un défilé de mode…

En savoir plus

 

4. Faciliter la mise en place d’animations de proximité par les agents de proximité

Afin d’encourager les actions et animations de proximité, le bailleur angevin SOCLOVA, a repensé les missions de ses gardiens. Aujourd’hui, ils n’ont plus de missions de ménages afin de dégager du temps pour faire de l’animation sociale notamment.

Cette évolution des missions des gardiens s’accompagne de la facilitation de procédure de financement pour des animations de proximité (entre 500 et 1.000€). Les conditions pour l’accès à ces crédits sont assez souples, ils doivent concerner de l’animation en proximité qui doit être soutenue ou portée par un groupe d’habitants

 

5. Une exposition de dessins d’enfant comme support de sensibilisation aux incivilités

Afin de sensibiliser ses locataires aux nuisances et coûts liées à des actes d’incivilité, le bailleur SOCLOVA a exposé le résultat d’ateliers pour enfants de dessins devant représenter des incivilités. Cette exposition mobile est déployée en pied d’immeuble et est un support d’aller vers pour le bailleur afin d’évoquer avec les locataires les bonnes pratiques et les bons réflexes. Ces événements sont appuyés par des plaquettes de communication rappelant la définition des incivilités et le coût financier lié.

En parallèle et dans des formats d’animation différents, le bailleur s’appuie régulièrement sur ces espaces d’hyper proximité que sont les halls et les abords pour multiplier des actions de sensibilisation sur différents sujets. Par exemple :

  • Sensibilisation en pied d’immeubles sur l’entretien du logement par la CLCV
  • Sensibilisation en pied d’immeubles sur les incivilités
  • Sensibilisation en pied d’immeubles « les risques d’accidents domestiques« 
  • Animations santé et bien être en pieds d’immeubles (bien manger, addictions jeux et écrans)
  • Sensibilisation sur les infestations blattes en pied d’immeubles et en porte à porte
  • Animations emploi avec plusieurs partenaires en pied d’immeubles
  • Opération rassurance sur des situations d’incendie, cambriolages
  • Pied d’immeubles sur des problématiques de régule de charges

 

6. Une exposition temporaire dans un hall : favoriser les présences dans les espaces collectifs et l’interconnaissance entre voisins

A Rennes, Aiguillon Construction a testé dans un de ses halls victimes d’occupations abusives, l’installation sur quelques semaines d’une exposition de photos issues des sorties vacances organisées par la MJC durant l’été. L’idée est de s’appuyer sur la curiosité des habitants afin de prolonger leur station dans le hall voire de créer des conditions d’interconnaissance de voisinage. Pour prolonger l’effet de surprise, l’exposition photo est changée toutes les semaines. Pour éviter d’éventuelles dégradations, les grilles d’exposition installées sont enlevées tous les soirs et remises en place tous les matins. Le bailleur se dit très satisfait de cet essai puisqu’il n’a pas observé de dégradations mais plutôt le succès auprès de ses locataires.

 

7. Mobiliser des halls occupés pour y organiser un marché aux stages et à l’alternance

A Rennes, Aiguillon Construction a souhaité organiser dans quelques halls (ceux occupés abusivement en priorité) un marché aux stages et à l’alternance en mobilisant une vingtaine d’entreprises partenaires du bailleur sur une journée. En dépit des craintes, cet événement s’est révélé être un succès en attirant près de 300 jeunes, qui ont pu être accompagnés dans leur recherche de stage, d’alternance ou d’emploi. Une action qui permet de faire de « l’aller-vers » les habitants/locataires et de répondre à un besoin de territoire.

 

8. Espacil Habitat : une multiplication des activités de proximité pour marquer l’espace

A Rennes, Espacil Habitat, s’appuie notamment sur le déploiement de nombreuses animations et activités s’installant sur la dalle en contrebas des tours afin d’occuper l’espace en y attirant une diversité de publics (fonction de la nature de l’animation). Par exemple, le bailleur a organisé :

  • Des concerts
  • Un circuit de karting à pédale
  • Des café-halls
  • Des activités de plantation avec les habitants dans les halls

 

9. Le Festival Dans Mon Hall : des “Courts-métrages autour des halls d’immeubles par et pour les habitants des quartiers”. 

Dans mon Hall est un festival de court-métrage organisé par l’association De l’Autre Côté du Périph’, composé de professionnels du cinéma et de partenaires associatifs. Leur méthode est la suivante : trouver des associations de quartier, des médiateurs afin de s’implanter dans un quartier prioritaire pour rencontrer les habitants et les aider à co-écrire et co-réaliser un film sur leur propre vie, leur propre histoire, leur propre quartier. La contrainte de départ imposée était de faire du hall de son immeuble, le lieu principal du tournage mais le périmètre s’est maintenant un peu élargi.

 

En pratique, le déroulement du festival

La démarche commence par la rencontre d’au minimum 80 habitants pour échanger et partager leurs histoires. Des temps de travail sont organisés pour que les habitants préparent puis présentent trois pitchs de scénarios envisagés. S’ensuit un débat avec les habitants du quartier et les professionnels du cinéma afin de sélectionner un des trois projets. Certains habitants sont sélectionnés pour le casting, d’autres se proposent pour aider à la production et aux autres métiers du cinéma. Une fois ces sélections faites, s’en suit les tournages puis les montages du ou des courts métrages. Pour conclure cette expérience, la diffusion des courts métrages est organisée lors d’un festival sur quelques jours.

 

Travailler l’image des quartiers autour d’un projet fédérateur

L’objectif est participatif et orienté vers l’émancipation culturelle dans et sur la vie des quartiers prioritaires de France. Les jeunes (et moins jeunes) sont mobilisés et formés aux métiers du cinéma dans le cadre d’une activité créative, ludique et éducative.

A travers cette dimension artistique et créative, l’enjeu est de stimuler la réappropriation par les habitants de leurs halls d’immeubles et plus généralement de leurs quartiers : c’est à eux de raconter leur quartier. Les halls d’immeubles et lieux communs sont parfois inutilisés, parfois sujet à des problématiques de délabrements ou encore de squat. Il s’agît aussi pour l’association de présenter tous ces lieux sous un autre angle sans pour autant mentir sur leur réalité. Au-delà des espaces, cette initiative culturelle permet de mettre en évidence et en débat les questions et enjeux que l’on rencontre dans les QPV comme le manque de place dédiée à la socialisation de la jeunesse.

 

Retour d’expérience
  • L’ensemble des acteurs parties prenantes de ces projets en ressortent très satisfaits et fiers.
  • Les jeunes découvrent l’existence de métiers du cinéma et de l’audiovisuel qui sont moins inaccessibles qu’ils le pensaient.
  • Émulsion culturelle et associative dans le quartier
  • Génération de discussions et de flux habitants (tranquillité).
  • Baisse de tensions (jeunes de différents quartiers co-construisant des projets ensemble).
  • Remise en cause des stéréotypes autour des jeunes dans les halls.

Pour en savoir plus : https://www.dansmonhall.com/

 

10. Fiche expérience. Des fresques participatives pour embellir et restaurer l’usage d’espaces résidentiels collectifs : l’exemple d’Aiguillon construction à Rennes

Des espaces sans qualités, invisibles ou cibles de mésusages

Certains espaces collectifs résidentiels (halls, local vélo, etc.), les abords immédiats et autres passages couverts peuvent apparaitre délaissés parce qu’ils sont sans qualité esthétique ou pratique, ces lieux peuvent être progressivement évités par les résidents. Dans un cercle vicieux, ces espaces vides, sans intérêt apparent peuvent laisser place à des dégradations, des nuisances (occupations abusives, bruit, odeurs etc.) renforçant leur évitement voire pouvant participer au sentiment d’insécurité des habitants.

Pour inverser cette tendance, les projets de fresques participatives peuvent être un des leviers pour impulser une dynamique nouvelle dans ces espaces. A travers quelques expériences en la matière conduites par Aiguillon construction à Rennes, nous souhaitons ici explorer les retombées que de tels projets peuvent entrainer.

 

Retour sur la méthode de projet

Les projets de fresques participatives possèdent l’avantage d’être relativement faciles à mettre en œuvre et peu couteux (environ 2.000€). Le point de vigilance est plutôt lié à la difficulté parfois rencontrée par le bailleur pour impliquer des habitants dans ces chantiers participatifs.

Dans une courte vidéo, Aiguillon Construction revient sur les différentes phases d’un projet d’embellissement (avec l’exemple de celui mené sur la rame d’accès au parking ci-dessus) : Vidéo| Une fresque réalisée par les habitants

 

Appropriation habitante, embellissement des espaces collectifs résidentiels. Les réussites de ces projets :
  • Rendre son usage au lieu : renforcement des fonctions résidentielles et promotion des mobilités douces

Ainsi qu’illustré par la photo ci-dessus, le bailleur a souhaité réagir face au mésusage d’un local vélo cible entre autres de dépôts d’encombrants. A l’image de l’ambition portée par Paris Habitat dans ces locaux vélo (cf. fiche expérience enrichir les fonctions par des locaux vélos de qualité), l’idée est ici de restaurer la qualité d’usage de cet espace. En effet, le local initial est sombre, mal éclairé et avec une fonction mal définie. Ces éléments n’en facilitent pas son usage par les résidents.

Ainsi, par le biais de fresques le bailleur a cherché à rendre l’espace plus lisible, avec de nombreuses références visuelles et textuels à l’univers du vélo (inspirées des techniques du nudge marketing pour inciter/donner envie de faire du vélo), et surtout plus accueillant et chaleureux.

 

  • Impliquer les habitants et les jeunes : chantiers participatifs et chantiers jeunes

La fresque en elle-même peut apparaitre insuffisante pour redonner une qualité aux espace et éviter des formes de dégradation de ce dernier. Cependant, sa dimension participative (chantier jeune, animation avec les voisins…) permet en premier de restaurer des présences, des pratiques le temps de la réalisation et de créer d’autres souvenirs sur ces espaces parfois chargés négativement (inauguration…). La phase chantier amorce un changement.

Cette production a également une dimension d’implication des participants qui est intéressante. Par ce travail, ils s’approprient un espace résidentiel avec de nouvelles qualités que l’on ne souhaitera pas voir se dégrader.

 

  • Esthétiser les abords

L’ambition initiale était bien de redonner une qualité esthétique à des espaces délaissés avec l’idée qu’un espace agréable, investi est moins susceptible de subir des dégradations mais surtout offre un cadre de vie de bien meilleur qualité. « En effet de nombreux retours positifs de la part des participants mais aussi du voisinage, de professionnels du quartier, etc. ont été reçus. La structure est plus visible, le square est embelli selon les retours, et les participants sont fiers de s’y sentir représentés et d’y avoir eu un impact. ».

D’autre part, dans des quartiers de grands ensembles souvent critiqués par une certaine forme de monotonie, de répétition, ces fresques et

décors permettent de singulariser des lieux qui deviennent souvent un repère dans le quartier voire même un support d’identification résidentielle

Ainsi, « Le projet de fresque pourrait s’étendre dans le square, dans l’idée de le décorer d’avantages et de le rendre plus chaleureux/agréable à vivre. Nous avons eu des retours de voisins qui aimeraient voir d’autres peintures sur le territoire (cages d’escalier notamment). »

 

11. Du théâtre dans les halls !

Allonnes, La compagnie de théâtre du Métronome a proposé plusieurs animations des halls comme des Cabarets de bas d’immeubles ou les Festiv’halls. Ces événements support de l’animation du quartier en période estivale sont aussi l’occasion de porter des thématiques sociétales (droit des enfants, évolution du quartier, etc. et d’impliquer les habitants).

A voir aussi : Dé-pendaison de crémaillère à la Ville aux Roses ! par PaQ’ la Lune

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