Contexte
Le Contrat Urbain de Cohésion Sociale de Laval Agglomération a été signé en février 2007 et défini la mise en œuvre d’un projet de développement social et urbain en faveur des habitants des quartiers définis comme prioritaires :
– Saint Nicolas
– Le Pavement
– Les Fourches
– Les Pommeraies – Vignes Territoire
La santé est un facteur déterminant du développement local et de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. Elle est à ce titre l’une des cinq thématiques prioritaires du contrat urbain de cohésion sociale dont l’ambition est de réduire les écarts significatifs de bien-être des populations habitant les quartiers populaires par rapport à l’ensemble du territoire urbain.
A ce titre, elle constitue l’une des 5 actions du CUCS lavallois : « favoriser l’accès à la santé des hommes et femmes seuls souffrant d’isolement dans les quartiers prioritaires ».
Synthèse
Suite à un diagnostic « électrochoc » qui a mis en évidence les manques d’intervention pour les publics en non-demande et la nécessité d’aller-vers, l’agglomération de Laval a mis en place une action d’accompagnement individualisé pour les personnes isolées. Cette action innovante, qui s’appuie sur le partenariat et l’aller-vers, suscite un renforcement de l’intervention du droit commun.
Les acteurs de droit commun concernés :
– L’Agence Régionale de Santé
– La collectivité
– Le réseau de partenaires
Les effets produits :
- le renforcement des moyens par la mise à disposition d’une infirmière statutaire sur le volet santé du CUCS par l’Agglomération Lavalloise
- le renforcement des moyens par le financement, depuis 2014, d’un mi-temps TISF par l’ARS, auparavant financé par la Politique de la Ville
- l’adaptation de l’offre de droit commun, via la médiation entre les divers dispositifs et services institutionnels et privés pour une meilleure prise en charge des situations complexes et pour le traitement de la non-demande : rôle d’alerte, de relais et de ressources.
- la coordination des interventions, au regard de l’inscription de l’action dans le Contrat Local de Santé engagé entre l’ARS et la Ville de Laval avec pour objectif la création d’un Conseil Local de Santé Mentale.
Genèse de la démarche
Qu’entend-on par « personne isolée » ? Toute personne en situation de repli, connue ou non des professionnels pour qui les démarches d’accès aux soins et de prévention générale de leur santé sont éloignées de leur quotidien, appréhendées de manière insuffisante, voire ignorées. A terme, cet abandon entraîne des problèmes médicaux et sociaux qui mettent en péril la santé de l’individu, son insertion professionnelle et dans un contexte plus large, mais très en lien avec les problématiques des quartiers défavorisés, influent sur la vie en collectivité. Toutes les catégories d’âge sont concernées : jeune en manque de repères, adulte en rupture de vie sociale et familiale, également certaines personnes handicapées et personnes âgées souffrant de solitude.
Face au constat que les déstructurations familiales, sociales et économiques entraînent des situations de grande fragilité et d’isolement, et que cette précarité est plus importante dans les quartiers des Pommeraies, Saint-Nicolas, Pavement et les Fourches, un diagnostic a donc été réalisé en 2006 par l’agglomération lavalloise pour définir l’axe santé du CUCS.
Les entretiens réalisés auprès des professionnels des quatre quartiers (Conseil général, Ville de Laval, Education nationale, Hôpital-CMP, associations, bailleurs sociaux), ont révélé un sentiment d’impuissance et ont souligné l’importance de l’accompagnement, de la prévention qu’ils ne pouvaient pas toujours assumer par rapport à :
- des situations de repli dramatique d’hommes seuls, en refus de soins, bénéficiaires des minima sociaux, concentrant souffrances psychologiques et répercussions physiques dues à la malnutrition, l’alcool, le tabac dont l’état général se dégrade.
- à une augmentation des dépressions réactionnelles liées à des ruptures de travail, familiales (séparation, deuil, vieillissement, augmentation de locataires vivant seuls, de foyers monoparentaux), entraînant des difficultés (alcool, suicides…)
Suite à ce diagnostic, un groupe santé technique a proposé les objectifs suivants :
- Assurer une meilleure prise en compte de personnes isolées en souffrance physique ou/et psychique, éloignées des services et structures de droit commun en repérant et accompagnant ces personnes vers des démarches adaptées pour relier le droit commun
- Cet accompagnement s’adresse à des personnes en incapacité de faire des démarches seules sans l’intervention d’un tiers, par personne isolée on entend personne en situation de précarité avec perte de réseau social, familial, professionnel.
L’action
En l’absence de ressources existantes, l’agglomération lavalloise a décidé de positionner une infirmière diplômée d’état sur le volet santé du CUCS, afin d’accompagner les personnes en situation d’isolement vers des démarches de soins et de prévention. Elle assure également un rôle de maillage des professionnels intervenant dans ce champ.
Parallèlement, pour soutenir cet accompagnement vers les soins, une association de techniciens en intervention sociale et familiale (co-financement CUCS et ARS) intervient le cas échéant pour consolider l’adhésion des personnes au parcours de santé avec une aide pour le maintien dans le logement et la vie sociale.
Le repérage des personnes en difficulté est fait par tout un chacun mais essentiellement par :
– les bailleurs sociaux (à partir de troubles de voisinage, de dettes de loyers, d’inquiétudes diverses qui sont observées par les agents de proximité ou agent de médiation : le courrier s’accumule dans les boites aux lettres …)
– les assistantes sociales des antennes solidarités du Conseil Général , du Centre Hospitalier (en cas de sortie d’hospitalisation)
– les travailleurs sociaux du CCAS dont un adulte relais,
– le PLIE
– les chantiers d’insertion
– tout professionnel ou autre acteur ayant connaissance d’une situation problématique qu’il perçoit plus ou moins liée à une difficulté de santé
Suite à ce premier repérage, l’infirmière du CUCS s’enquiert auprès des professionnels ressources (Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie, centre médico-psychologique, médecins généralistes, services sociaux, services de mesures de protection…) de savoir si la situation est connue. En cas de non suivi par les services de droit commun un premier rendez-vous est organisé par l’intermédiaire du repérant.
Les principes de l’accompagnement sont l’aller vers et la souplesse (accepter les rendez-vous ratés par exemple), en acceptant de travailler sur des objectifs souvent très modestes.
L’infirmière se présente comme appartenant à un service de l’agglomération qui propose une aide aux personnes qui semblent isolées et peut être en difficulté. L’objet d’intervention est souvent celui évoqué par le repérant et l’infirmière oriente la personne vers les services de soins, de santé, et propose également un accompagnement physique. Cet accompagnement physique, s’il s’avère un vecteur de progrès, peut se prolonger plusieurs mois. Les techniciens en intervention sociale et familiale d’Aid’ADOM peuvent aussi intervenir dans cet accompagnement.
Lorsqu’il n’existe pas de demande de soins, l’infirmière part de la demande initiale de la personne (une aide alimentaire, administrative, sociale ou alors de l’écoute) et s’appuie sur la confiance gagnée pour aborder les questions de santé.
Sur certaines situations, les seuls objectifs sont de garder le lien et d’avoir aussi une veille sur la personne ; sachant que les passages de l’infirmière ou de la TISF qui intervient au titre du CUCS sont les seuls passages réguliers.
Des temps d’échange et d’analyses des situations sont régulièrement fait avec l’équipe mobile en addiction du CSAPA et le CUCS.
Cette expérience a initié un travail en réseau et une légitimité de la démarche : repérage, accompagnement. L’expérience a en effet montré le bien-fondé de la méthode et la réalité des besoins dans ce domaine en ce qui concerne notamment les problématiques de santé mentale.
Elle débouche aujourd’hui sur une inscription d’un CLSM au sein du Contrat Local de Santé. Le maillage des professionnels établi depuis 2007 constitue un prémisse de réseau qui pourrait être conforté et formalisé au sein du CLSM.
Les leviers
Le diagnostic s’est révélé un réel électrochoc. Il a mis en exergue les manques d’intervention pour les publics en non-demande et la nécessité d’aller-vers, ainsi que la volonté de nombre de professionnels de trouver des réponses pour ces situations.
La mise en place de cette action a été facilitée par la volonté politique de l’époque en faveur de l’accompagnement individualisé dans le cadre de la politique de la Ville.
La qualification d’infirmière de l’agent santé du CUCS a été un réel vecteur de réussite. Cela a notamment renforcé sa légitimité pour intervenir auprès des divers professionnels notamment ceux de la santé (médecin, services psychiatriques, etc.)
La démarche est certes opérationnelle dans le cadre du CUCS mais a fait l’objet d’une inscription dans la convention cadre du CUCS co-signée par l’ensemble des partenaires, légitimant ainsi sa raison d’être.
Les freins
La résistance de certains professionnels quant à leurs limites d’intervention (notamment lorsqu’il n’y a pas de demande de l’usager) ; quant au secret professionnel ; quant à cette nouvelle façon d’intervenir. Toutefois, les perplexités initiales ont rapidement fait place à une adhésion des divers professionnels au vu des réponses apportées à des situations difficiles.
Vigilance : rester attentif quant aux responsabilités de chacun pour éviter de se substituer au droit commun qui doit rester la règle, l’accompagnement individualisé par le CUCS ne devant intervenir qu’en cas de manque.
Cette expérience a été présentée dans le cadre d’un atelier lors de la journée consacrée à la mobilisation du droit commun dans le domaine de la santé.
Crédit photo : Kévin Rouschausse – Ville de Laval
Date de mise à jour de la fiche : août 2014