Mia Mati, piquée par l’art de la haute couture | Angers

L’atelier Mia Mati est un havre de délicatesse et de joie. Mia y règne avec un éclat artistique et une oreille sensible. Elle nous raconte comment la couture l’a piquée, toute petite, parmi les chutes de tissus et les ronrons des Singer de sa maman, couturière professionnelle. Somia donnera à son métier toute l’exigence du haut de gamme, mais surtout une grande liberté créatrice. Sa marque Mia Mati est née de cette histoire, un récit de couture de haut vol.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre démarche artistique ?

J’ai eu la chance de grandir avec une mère couturière. Toute petite, je la regardais travailler sur sa machine, je touchais les tissus. Je me revois par terre, à l’atelier, au milieu des chutes colorées. Dès 7 ans, je créais des petites robes pour mes poupées. J’adorais cela, j’oubliais le temps. Jusqu’à aujourd’hui encore, quand je suis penchée sur ma machine, il m’arrive de rester jusqu’à 3 heures du matin sans m’en rendre compte. Un jour, ma mère m’a interdit d’utiliser la surjeteuse qui sert à faire les finitions, parce que je m’étais déjà blessée avec la piqueuse. Alors, j’ai coupé les tissus à ras et je les ai retournés. Je voulais que le vêtement soit aussi beau à l’intérieur qu’à l’extérieur. « Regarde, ça fait propre. », lui ai-je dit. Elle était très étonnée. J’avais reproduit innocemment une couture anglaise. Cette technique est utilisée dans la fabrication de vêtements de luxe. J’étais sensible à ce qui était beau, j’avais le sens du détail. Cela m’a insufflé un esprit créatif et perfectionniste.

Comment avez-vous développé votre marque de haute couture Mia Mati ?

En grandissant, j’ai fait un bac général, puis des études, encouragée par mon père. Je me suis orientée vers les mathématiques, que j’adorais, et l’informatique, puis j’ai bifurqué vers un master en science de la langue anglaise. Mais ce n’était pas cela… je n’ai jamais cessé la couture qui me passionnait au-delà de tout. L’été, je perfectionnais mes techniques. Mes copines, voyant mes tenues sur mesure, ont commencé à me faire des commandes. Le tissu, c’était mon bonheur. Je me suis formée en stylisme et modélisme en 2010. Cette formation m’a ouverte à la création, au design. Pour la première fois, j’ai sorti une collection. J’ai vendu toutes mes pièces à un magasin. Alors je me suis mise à mon compte et j’ai créé ma marque « Mia Mati » en 2012.

Je suis créatrice de robes de mariée. Il ne s’agit pas seulement de robes classiques blanches. Je souhaite créer le vêtement unique. Pour cela, je m’inspire de l’histoire de la cliente, je l’écoute, je m’imprègne de sa personnalité. J’essaie d’imaginer ce qu’elle a dans la tête puis je dessine, et lui propose un conseil en image. On peut tout faire, en couture, toutes les formes et couleurs, des robes arc-en-ciel, des combinaisons. L’important est que la cliente se sente à l’aise. Mon rêve serait de créer une robe de star.

Pourriez-vous nous présenter votre quartier Monplaisir à Angers ? Que représente pour vous le fait d’exercer votre activité dans un quartier populaire ?

Le quartier Monplaisir est un quartier populaire d’Angers. J’y suis arrivée en 2016 comme habitante et j’y ai commencé mon activité. La mairie mettait des box à disposition des entrepreneurs, à un coût accessible. Cela m’a permis d’imaginer ce que je voulais faire en couture : l’art de créer quelque chose d’unique et non du prêt-à-porter. J’aime la diversité de Monplaisir, qui réunit toutes les cultures. Les gens me respectaient, ils me racontaient leurs origines, comment ils se sont adaptés à la société. Certains me ramenaient des tissus de chez eux.

Cela m’inspire, j’aime écouter les histoires des clientes qui entrent dans mon atelier : celles qui vont à l’église, celles qui travaillent à la mairie, à l’école du quartier… chaque personne est différente. C’est enrichissant.

Ma clientèle ne se limitait pas au quartier. Moi-même, je ne me cloisonnais pas. Angers, c’est la ville, mais aussi la campagne. Juste à côté de Monplaisir, j’aimais prendre un chemin très beau, une source d’inspiration. On y voit des bateaux, des arbres, le matin c’est tout frais, on entend le bruit des oiseaux, les gens qui vont au marché, qui courent, qui respirent. J’aime observer, écouter. J’en ai besoin pour m’inspirer. Parfois je reste longtemps ainsi, sans parler, et l’idée vient d’un coup. Alors j’attrape mes crayons. Aujourd’hui, j’ai déménagé rue Saint-Léonard pour agrandir mon espace de travail et ma capacité d’accueil de la clientèle.

 

Que vous a apporté le prix Talents des Cités remporté en 2020 ?

J’ai remporté ce prix organisé par BGE, qui aide les entrepreneurs à se développer. Talents des Cités m’a apporté des rencontres et de la reconnaissance. Nous sommes allés à Paris pour la remise des trophées, puis le maire d’Angers est venu dans mon atelier, il s’est intéressé à mes créations. Je lui ai dit que je souhaitais créer une collection inspirée du patrimoine. Il m’a proposé de travailler à partir de la mosaïque d’Odorico de l’hôtel d’Anjou. C’était passionnant. Depuis, j’ai organisé et participé à des défilés à Cannes, Angers, Madrid. Je suis passée à la TV avec l’émission « Envie dehors  ! » sur France 3. J’ai ensuite créé une nouvelle collection sur les avions, avec un clip et shooting photo et un défilé à Cannes. Je me suis passionnée pour l’histoire de ces vieux avions, en allant au musée de l’aviation. L’un d’eux a été conçu par des femmes, et a volé depuis les États-Unis ! En septembre cette année, j’organise un évènement lors d’une « exposition artistique » au musée Jean-Lurçat. Pour l’occasion, j’ai créé des robes composées de fleurs, en collaboration avec la fleuriste Sophie Bouquet et la joaillière Aurore Says. Nous avons travaillé avec un chorégraphe pour un défilé dansé.

 

Pensez-vous que la culture et l’art sont vecteurs d’insertion sociale pour les habitants des quartiers populaires ? Que leur souhaitez-vous ?

Quand je calcule le temps réellement passé en couture, cela représente 30 % de mon activité. Le reste concerne la recherche de clients, les shootings photo, la communication… Mais je sais que je poursuis mon rêve de créer la robe unique, et pour moi, cela n’a pas de prix. Ce que je gagne n’est pas seulement de l’argent. Je me nourris aussi de l’art. C’est mon bonheur, de créer. Alors ce que je peux dire aux habitants des quartiers, c’est que l’on peut faire ce que l’on veut. Comme dit la citation : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. » C’est ma devise.

Mon travail est un voyage, je rencontre les gens, je couds, je suis traversée par l’émotion. C’est mon bonheur, de créer.

Même si je ne suis pas rémunérée autant que je travaille, la joie de la cliente quand elle me raconte comment elle s’est sentie dans sa robe, le jour J, c’est ma réelle rémunération. Je rêve, mais je reste réaliste. Je cible une clientèle qui connaît la valeur de l’art et le fait main pour que ma rémunération soit raisonnable, car je fais de l’art. Chaque personne est douée pour quelque chose. Nous sommes complémentaires, c’est ce qui est extraordinaire. Il faut chercher, trouver son don et s’épanouir en faisant un métier. Suivez ce que vous aimez, gardez votre rêve en tête, travaillez chaque jour et les opportunités arriveront.

 

Propos recueillis par Marie Fidel

Crédit photos : Fokus Production

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