Pamphile Hounsou, le poète des mots qui bougent | Saint-Nazaire

Artiste poète, HOUNSOU Pamphile fait vibrer les mots et émotions. Ce passeur de plume chante la langue des oiseaux. Coordinateur de projets artistiques et culturels dans l’association NCA Tranq’s (Notre culture avance, tranquillement), il nous raconte comment l’art et la culture mettent les humains en mouvement.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours, votre approche de la poésie, de l’écriture, du slam et du rap ?

Je suis un artiste poète, car je crée à partir des mots. Je sais qu’ils sont puissants. Cela m’a pris tout petit. J’ai toujours baigné dans une culture africaine et urbaine. Je suis issu d’une famille nombreuse avec six frères et sœurs. Je suis né et j’ai grandi dans un quartier prioritaire, à la La Seyne-sur-Mer, dans le Var puis je suis arrivé à Saint-Nazaire à l’âge de 10 ans, dans le quartier La Bouletterie. J’aimais bien le rap, l’entendre et comprendre les paroles. Quand j’entendais un mot, je sentais sa vibration, son poids, la taille des lettres… Cela faisait écho à ce que je pouvais vivre et aimer. À 16 ans, j’ai écrit mon premier texte de rap. Avec mes petits frères et des copains, nous avons créé un groupe : « La chronique du Vice ». On a joué notre premier concert en 1999 devant nos parents, mais face à eux, on s’est autocensurés. Cela m’a marqué. Je me suis juré de ne plus jamais recommencer. Je voulais assumer, être vrai dans mon expression. C’était important.

Je me suis vite rendu compte que s’exprimer, c’est exister, que l’expression opère au changement et que le changement bouscule, mais dans le bon sens du terme.

J’ai continué à créer avec des groupes de rap comme Gachette verbale, NCA « Notre Culture Avance », Génocy II, puis en 2007 la West Team, groupe et association qui portait un studio d’enregistrement appelé « Coup 2 Maître ». L’association s’est appelée Tranq’s en 2012, le diminutif de tranquille, car nous faisons les choses tranquillement.

 

Pourquoi est-ce important de mener des actions culturelles et artistiques dans les quartiers populaires ?

On me parle parfois des faiblesses des quartiers, moi je ne vois que les forces. La diversité y est magnifique. Je dis souvent que la rue est minée d’or. C’est un endroit qui nous transmet de belles valeurs, comme le respect, le partage, l’ouverture, la tolérance, la débrouillardise, dans le bon sens, quand on fait les bons choix. Dans une chanson, j’écris : « la rue éduque avec les parents et les cours, texte à l’appui comme preuve BSF écrit encore ». BSF est mon nom d’artiste : « Béninois Si Féroce ». Le quartier est un lieu de rêve, aussi. Quand on manque de si, de ça, on rêve d’autre chose. Avec l’écriture, on peut exprimer ses rêves… Certains animateurs ont vu cela d’un bon œil et m’ont proposé d’animer des ateliers d’écriture, en 2003. Après ce premier projet, j’ai réalisé des ateliers d’expression écrite, orale, corporelle, musicale pendant une vingtaine d’années et je continue encore aujourd’hui, auprès de nombreuses structures (école, collèges, lycées, centres sociaux, centres de formation, EHPAD, CCAS, universités, centres éducatifs fermés, foyers socioéducatifs, hôpitaux de jour…) J’ai accompagné les participants jusqu’à la scène, en concert. Dans mon travail d’animateur socioculturel, j’ai été étonné de savoir qu’il y avait une culture populaire et une culture élitiste. Pour moi, l’art est une affaire d’être humain. Une personne en vaut une autre.

Il faut enlever ces frontières mentales. La culture peut aller partout. Les artistes des quartiers prioritaires peuvent aller au conservatoire par exemple.

Il faut de la présence dans les quartiers, mais aussi de l’ouverture. Le risque, en créant des animations uniquement dans les quartiers, c’est le repli sur soi. Pour faire bouger les paradigmes, la mixité est intéressante.

Pouvez-vous nous présenter vos actions à Saint-Nazaire et ce qu’elles apportent aux habitants des quartiers ?

Avec NCA Tranq’s, aujourd’hui, on favorise la mixité sociale, de genre et de génération à travers nos ateliers et évènements. Je vais là où il y a de l’expression, de l’humain. Quand j’arrive, je brise les barrières d’apprenant-intervenant. L’atelier pose comme bases les notions de plaisir, de partage, de respect, de non-jugement, d’autonomie. À partir de là, la création s’invite. Par exemple, dans le quartier de Prézégat en ce moment, je propose un atelier d’expression auprès des habitants et mets en place des concerts dans l’espace public. L’écrit permet de réguler les émotions, de donner le meilleur. Cela dynamise, apporte une certaine émancipation et valorisation personnelle. La scène ouverte apporte de la joie aux habitants, des rires, des bonnes vibrations. Elle permet à un artiste de se sentir mieux. Le public est bercé par chaque passage. La magie opère, « l’âme agit opère »… comme nous révèle la langue des oiseaux. C’est une « terre happy » ! En atelier, le but n’est pas la bonne note comme à l’instar d’un concours d’éloquence, mais de faciliter une mise en mouvement pour faire avancer les projets de vie.

Y a-t-il eu des surprises, des inattendus dans ces rencontres et ces créations collectives ?

Notre art est prétexte à la rencontre, que ce soit avec les personnes qui s’initient, celles en développement, ou les artistes confirmés… On se nourrit de tout cela. Je me souviens d’avoir fait un atelier dans un centre d’aide thérapeutique. Le personnel soignant a été étonné d’entendre une personne mutique lire son texte à voix haute, quand je l’ai demandé. Je suis intervenu aussi dans une classe Ulysse, j’appréhendais beaucoup, allais-je être capable de gérer seul le groupe ? J’avais des préjugés. Au final, les enfants m’ont transmis tellement d’énergie et d’assurance ! Cela m’a donné l’idée d’écrire le spectacle « Croisement parallèle. »

 

Pensez-vous que la culture et l’art sont vecteurs d’insertion sociale pour les habitants des quartiers populaires ? Que leur souhaitez-vous ?

On juge souvent les personnes dans les trois premières secondes. Lorsque je commence à user de la langue de Molière, je sens que l’on me regarde d’une autre manière. Je sais que quand on est dans le quartier, quand on dort quartier, que l’on mange quartier, on ne pense pas que cela va être facile d’en sortir. Une fois, un pote m’a dit : « Nous, on ne nous pas appris à entreprendre, mais à remplir une feuille de demande de HLM… » Pourtant, cela ne nous pas empêché de le faire, lui ai-je répondu. On est propriétaires aujourd’hui, on a évolué, on a réussi. Je transmets cela aux jeunes. Ce n’est pas du blabla, j’en suis la preuve vivante. J’ai fondé une famille, je suis heureux. Je souhaite qu’ils prennent espoir et force, pour être utopistes et rêveurs. Il faut se donner les moyens d’y aller, comme en vélo, tomber et se relever, chercher l’équilibre, et toujours avancer. En étant vrai et fier, pas dans l’attente, mais dans l’action. Je connais beaucoup de jeunes issus des QPV qui ont constitué des associations. J’aimerais qu’il y ait une réelle reconnaissance et accompagnement des collectivités pour qu’ils puissent avoir plus d’impact sur le territoire. Je rêve que « Notre Culture Avance » regroupe toutes ces associations et se développe dans tous les domaines d’expression. La rue est d’or, je le répète. Alors je souhaite à chacun de pouvoir développer sa culture pour son projet de vie. Nous sommes tous les architectes et les peintres de notre vie.

 

Propos recueillis par Marie Fidel

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