3 questions à Janine, l’égérie militante
Elle rompt tous les codes et mélange les genres… Fervente supportrice de football, égérie d’En avant Guigamp, Janine se dit « militante de base ». Solidement engagée dans son quartier, elle n’a jamais fini d’apprendre des autres.
Nom : Lemée
Prénom : Janine
Âge : 72 ans
Signe distinctif : son prénom, qui s’écrit sans « e ». Janine est aussi l’égérie d’En avant Guigamp, et citoyenne militante chevronnée.
Engagements : comité de quartier & conseil citoyen du quartier Croix Saint-Lambert/Ville Oger à Saint-Brieuc.
Dans le comité de quartier, la différence hommes-femmes, ne se ressent pas du tout. C’est très sympathique, convivial et fraternel.
Propos recueillis par Marie Fidel
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre quartier ?
« Je suis née en Bretagne, à Ruca. J’ai grandi là-bas. De là vient mon amour de la mer. J’ai suivi ma scolarité à Lamballe jusqu’en première, sept ans d’internat. Ensuite, je suis allée travailler sur Paris comme employée de bureau, pendant 19 ans. Je me suis mariée. J’ai eu trois enfants. J’ai quitté Paris pour Creil, dans l’Oise, avant de rentrer à Plouvara en 1972. J’ai élevé mes enfants jusqu’en 1980.
Nous avons pris avec mon mari un commerce alimentaire à Trégueux. J’ai tenu ce bar-alimentation pendant plus de 13 ans. Ensuite, j’ai été employée de bar dans le Morbihan, puis de nouveau à Trégueux. J’ai terminé ma carrière à Loudéac comme employée à temps partiel jusqu’à l’âge de 67 ans. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis engagé dans les associations. Je n’aime pas rester à ne rien faire.
Après un licenciement économique, mes moyens ne me permettaient pas de rester sur Trégueux. J’ai acheté un appartement à Saint-Brieuc. Je suis nouvellement arrivée dans le quartier Croix Saint-Lambert. Ce quartier, je le vois beaucoup plus avenant qu’avant, du temps des tours. C’étaient des verrues dans le paysage. Elles ont été rasées et remplacées par de petits immeubles. C’était un quartier difficile. Il n’y avait pas la mixité sociale d’aujourd’hui. Après la destruction, les gens se sont dispersés et mélangés. Le quartier Croix Saint-Lambert est devenu un quartier agréable à vivre, plus humain. »
Quand avez-vous commencé à donner du temps pour votre quartier ?
Quel a été le déclic ?
« J’étais engagée politiquement, militante pour le parti socialiste depuis 1974. Sans prise de responsabilité. Une militante de base. C’est toujours la même démarche. Si l’on s’engage politiquement, c’est que l’on est tourné vers les autres, que l’on a envie de participer à la vie collective. J’ai intégré pleinement le comité de quartier il y a cinq ans. Au départ, j’ai commencé timidement. J’étais très timide, il faut dire. J’allais uniquement au pot de fin d’année. Je rencontrais des gens du comité de quartier, petit à petit. Il m’a fallu un temps d’observation pour m’acclimater, avant de prendre la parole, d’exprimer des opinions.
Le comité de quartier est une association très importante qui prend en compte les problèmes des habitants. Ici, sur la Croix Saint-Lambert, nous organisons de nombreuses fêtes pour fédérer gens autour de nous. Essayer d’agir pour le bien-être des gens. C’est très difficile. Les fêtes s’adressent aux gens en difficulté. Nous agissons en interaction avec le centre social qui essaie de faire participer les familles nombreuses
pour qu’elles accèdent aux loisirs, à la culture.
Cette année, je suis dans le conseil d’administration du comité de quartier. Je m’implique énormément dans la commission urbanisme, c’est un peu mon dada. Cette commission est très importante, et s’attache aux problèmes quotidiens de circulation, de stationnement, de propreté, dans un quartier en constante évolution. II faut avoir l’œil partout.
Ensuite, au conseil citoyen, je suis arrivée parce que la personne déléguée du comité de quartier ne pouvait pas participer. Je l’ai remplacée au pied levé. Je ne connaissais pas du tout cette instance. Dès la première réunion, ça m’a bien plu, presque plus que le comité de quartier. J’y suis restée, j’en suis à ma deuxième année. À l’échelle du quartier, nous avons l’impression d’avoir plus de poids. Nous voyons tout de
suite les résultats de notre action.
Et puis il y a En avant Guigamp… C’est un petit club par rapport aux autres, cela part de la même réflexion. C’est une forme d’association, aussi. Je suis abonnée au club depuis 1995-96. J’ai tissé des liens forts. C’est aussi du bien-vivre ensemble. Je suis devenue l’égérie en 2015-2016, j’ai été choisie parmi 375 photos. Une surprise extraordinaire ! J’avais participé au shooting sans penser être prise. J’ai cru que c’était
une blague.
Cela m’a fait approcher un autre monde. J’avais une maquilleuse professionnelle. On a fait des photos et vidéos. À partir de ce moment, j’ai eu un déclic, ça m’a donné confiance en moi. Je me suis sentie investie d’une fonction de représentation, en faisant attention à moi, à ma façon de m’habiller, d’être. Une égérie doit bien représenter le club. Ce rôle m’a permis de prendre énormément confiance en moi, au moment le plus difficile de ma vie. Cela m’a fait passer un cap. »
Pensez-vous qu’être une femme change la donne lorsqu’on s’engage sur un territoire ?
Le regard est-il différent ? Faire entendre sa voix est-il plus difficile ?
« Non, dans nos associations, ce n’est pas plus difficile. Justement, c’est très important de le dire, parce que nous sommes une majorité de femmes dans le comité de quartier. Ce n’est pas misogyne du tout. Il y a une réelle amitié, c’est naturel. On ne s’occupe pas de savoir si l’on est une femme ou un homme. On retrouve quelque chose de particulier par rapport à la vie réelle dans la société où l’on voit tellement de choses comme le harcèlement. La différence hommes-femmes ne se ressent pas du tout. C’est très sympathique, convivial et fraternel.
Quand j’étais au parti socialiste, j’ai milité aussi pour les droits des femmes, pour l’égalité, contre les abus sexuels, la pauvreté chez les femmes qui sont moins payées et qui ont une carrière moins longue que les hommes parce qu’elles ont des enfants. Ce qui est mon cas. J’ai élevé trois enfants et je bénéficie d’une petite retraite. Cela ne m’empêche pas de m’investir totalement autrement. J’ai participé à la marche mondiale des femmes à Paris, une expérience formidable.
Je constate dans mon quartier une majorité de femmes qui s’engagent. Peut-être que nous avons une fibre un peu plus sociable ? Nous avons eu l’habitude de nous impliquer dans la vie de nos enfants et nous essayons de penser aux autres. Je le vois comme ça, personnellement. J’ai remarqué qu’en politique, les hommes s’investissent pour faire une carrière politique alors que la femme est plus tournée vers une carrière sociale. Nous sommes un peu plus terre à terre. Je le constate en tout cas chez les femmes engagées en politique, autour de moi.
« À mon âge, je trouve cela intéressant d’apprendre. Apprendre des autres, surtout. »
Dans le quartier, nous sommes toujours au travail ! On se battrait presque pour aller sur certaines activités, tellement c’est convivial ! Ça aussi il faut le dire, car les générations actuelles ont du mal à se diriger vers le bénévolat. Partout où nous sommes, c’est toujours un peu les mêmes, cela se renouvelle difficilement.
J’éprouve quelques regrets par rapport à l’engagement des gens, la difficulté des conseils citoyens à trouver des nouvelles personnes. Malgré nos recherches (nous allons beaucoup à la rencontre des gens, nous avons réalisé un journal…), ce n’est pas évident d’élargir. Une femme, par exemple, voulait venir, mais son mari n’acceptait pas qu’elle parte comme ça. Cela implique un manque de liberté, de confiance. Nos réunions sont rapides, pourtant, et se tiennent souvent l’après-midi. Nous rencontrons une population difficile à intégrer. Je trouve que c’est dommage, car ces personnes auraient besoin du conseil citoyen. Elles nous apportent énormément, de par leur culture, leur façon de voir, d’être, autant de choses que nous avons envie d’entendre et d’intégrer.
Article mis en ligne le 10 novembre 2017
Rédaction : Marie Fidel