Pourquoi la Rénovation urbaine ? Pourquoi parle-t-on maintenant de renouvellement urbain ? Qu’est-ce que l’ANRU et pourquoi existe-t-elle ? Nous allons tenter dans cet article de comprendre d’où viennent ces politiques urbaines actuelles. Depuis maintenant plus de 40 ans, la politique de la ville tente d’innover afin de répondre aux enjeux des quartiers, et apprenant de ces échecs tente de réagir par de nouvelles mesures censées être plus efficaces, plus pertinentes que les précédentes. Ainsi, en posant quelques éléments de compréhension, de contexte dans ce processus, il devient plus aisé de saisir la ou les raisons qui ont conduit à l’émergence des grandes politiques urbaines à destination des quartiers depuis 2003.
Le contexte historique de l’apparition des politiques de renouvellement urbain
• 1950-1973 : Construction des quartiers de grands ensembles dans des ZUP : Zone à Urbaniser en Priorité
Ces quartiers sont construits selon les principes de l’architecture moderne (grands espaces verts, appartements grands, lumineux, etc.), le tout voiture, une fonction unique (se loger), des formes simples (la barre, la tour, le plot). [en savoir plus ]. Le contexte de crise du logement de cette période rajoute la contrainte de la vitesse de construction et du nombre important de logements. C’est pourquoi ils sont standardisés et préfabriqués
Légende photo : le tout récent quartier de Malakoff à Nantes en 1972 avec les formes caractéristiques des grands ensembles. Archives municipales de Nantes
• Au commencement, des quartiers appréciés par les nouveaux habitants et notamment les logements
Les premières années, les nouveaux habitants se plaisent dans des logements qu’ils jugent confortables (voir le témoignage ci-dessous), et une certaine mixité sociale s’installe puisque les quartiers de grands ensembles n’avaient pas vocation à loger uniquement les plus démunis mais plutôt les mal-logés.
• Années 1970 : les premières problématiques apparaissent
Le mélange social du début n’aura pas perduré longtemps et rapidement des tensions apparaissent entre les différents groupes sociaux présents. Dans les années 1970, la facilitation des prêts immobiliers entraine une fuite des ménages les plus aisés vers des banlieues pavillonnaires. Les quartiers de grands ensembles deviennent pauvre et avec une très forte vacance des logements. Pour ne pas laisser ces logements vides, les travailleurs immigrés et leur famille y sont logés.
• 1973, les prémices de la politique de la ville : “Habitat et Vie Sociale” (HVS)
En 1973, la circulaire Guichard met fin à la construction de nouveaux grands ensembles. Cette mesure est suivie du premier programme à destination de ces quartiers : Habitat et Vie Sociale. L’objectif est de réhabiliter les bâtiments mal-réalisés et/ou déjà abimés, de construire les équipements publiques ou commerciaux manquant et de désenclaver les quartiers concernés. Cependant, ce premier programme n’est pas un succès à cause de son manque d’expérience.
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Source : Le devenir des quartiers Habitat Vie Sociale (HVS). Diversité des trajectoires de 1977 à nos jours. CGET, octobre 2018
• Comprendre pour trouver des solutions, le temps des rapports (1981-1983)
Il y a trois principaux rapports durant cette période qui permettent de mettre en place les Missions locales par exemple. Mais le plus important est le rapport Dubedout nommé “Ensemble refaire la ville” (1983). Cinq principes ressortent de ce travail et orientent encore aujourd’hui certains aspects de la politique de la ville. Il y a la discrimination positive territoriale, c’est-à-dire le principe de donner plus de budget aux quartiers les plus en difficulté. En deuxième, il y a l’idée d’adapter les politiques nationales à chacun de ces territoires et en fonctions des différents acteurs en signant des contrats ville-Etat. En troisième, il y a la question de la transversalité des actions conduites sur ces quartiers (impliquer différents ministères ou différents services municipaux autour d’une même problématique). En quatrième enjeu, on trouve la thématique de la gestion de projet pour permettre d’améliorer le déroulement, l’efficacité des programmes menés dans les quartiers ciblés. Enfin, la question de la place des habitants dans cette politique est jugée comme devant être centrale selon le rapport, puisqu’ils sont les premiers concernés par les changements
• Une succession de politiques : du Développement social des quartiers (DSQ) aux Grands projets de Ville (GPV) (1984-2003)
Durant ces 20 ans, la politique de la ville évolue doucement, dans les années 1980 avec le programme DSQ, l’action publique était centrée autour des habitants afin de révéler ou de faire émerger le(s) potentiel(s) des territoires.
Cependant, trop flou, le programme est remplacé en 1993 par les contrats de ville où sont clairement affichés les objectifs, les actions, ils cherchent également à prendre en compte un maximum d’enjeux de nature différente (chômage, violence, logement, etc.). Si les contrats de ville recherchent une meilleure efficacité, l’esprit des DSQ n’est pas oublié et la concertation avec les habitants est toujours recherchée.
Dans le même temps, dans les quartiers les plus en difficulté, on juge que l’action sociale et économique ne suffit plus, on y adosse le problème de l’image dont certains quartiers souffrent. Ainsi, en 1993 sont mis en place les Grands Projets Urbains et qui deviennent les Grands Projets de Ville (GPV) en 1999. Ces deux programmes, similaires sur le fond avaient pour objectifs de mener de grandes restructurations urbaines mais une mauvaise organisation politique additionnée à des budgets trop faibles ont entrainé l’échec de ces politiques urbaines.
2003, de l’action pour les habitants à l’action sur les lieux. La Loi Borloo, l’ANRU et le PNRU
Carte de répartition des PNRU (source : ANRU)
Suite à un rapport de la cour des comptes en 2002 où l’action publique des contrats de ville et des GPV était jugée trop peu efficace par rapport aux sommes d’argent investies, la loi Borloo se veut comme une révolution dans l’histoire de la politique de la ville. Cette loi créé l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) dont le rôle est de garantir l’efficacité de la politique de la ville (elle est le guichet unique des subventions à la rénovation urbaine et veille au bon déroulement de la politique qu’elle subventionne). Cette loi met en place le Programme National pour la Rénovation Urbain (PNRU). L’objectif de ce programme est de montrer rapidement des résultats. Ainsi, il dispose de budgets importants et donne des objectifs nationaux importants : 200.000 logements démolis, 200.000 logements réhabilités et 200.000 nouveaux logements sociaux.
Cette politique de rénovation urbaine fait l’hypothèse qu’en changeant les quartiers, en modifiant ce à quoi ils ressemblent, en les intégrant au reste de la ville grâce à une banalisation et grâce aux nouvelles communications (automobiles, piétonnes, transports en commun, etc.), ces derniers profiteront de la dynamique des autres quartiers (puisque similaire à eux après la rénovation).
Quel est le bilan de la rénovation urbaine des quartiers ?
Voici les éléments qui ont été reprochés pendant puis après la mise en œuvre de cette politique de rénovation urbaine
• La violence du dispositif
Avec la double volonté d’efficacité et de banalisation, les transformations lourdes des quartiers ont parfois été précipitées sans tenir compte de ce que cela pouvait produire chez les habitants et notamment les délogés
• Une politique trop centrée sur les enjeux urbanistiques
La rénovation urbaine avait pour objectif de changer les lieux afin qu’ils deviennent « comme les autres » pour que les populations habitantes profitent des mêmes conditions que le reste de la ville. Les aspects sociaux et économiques de telle politique ont été exclus des subventions ANRU et, donc, souvent peu présentes dans les programmes.
• Un objectif de mixité sociale critiqué
Les exemples de mixité sociale relèvent plus de l’exception que de la généralité, c’est donc un objectif très compliqué, si ce n’est impossible. La mixité telle qu’elle est appelée dans la Rénovation Urbaine recherche “l’intégration sociale et politique ou […] de réduire certaines inégalité” (Charmes, 2009), or ces qualités ne peuvent être atteintes par la seule mixité sociale. En revanche, dans les quartiers où elle existe elle apporte “dynamisme économique et culturel” et une expérience unique pour les habitants. Enfin, la mixité est souvent critiquée parce qu’elle se fait souvent au dépend des plus précaires devant partir ailleurs et rarement dans le cas de figure inverse.
• Amélioration de la qualité de vie et de l’image des quartiers.
La réussite principale de la rénovation urbaine est d’avoir amorcé un changement de l’image des quartiers en cassant des représentations esthétiques typiques des quartiers de grands ensembles, en liant les quartiers à leur environnement proche, etc. Dans nombre de projets, des équipements, commerces, transports en communs, esthétique des espaces publics ou des logements rénovés ont réussi à améliorer la qualité de vie et la satisfaction des habitants à résider dans leur quartier.
De la rénovation vers le Renouvellement urbain : le NPNRU
Dans la continuité des différents volets de la politique de la ville conduits jusque-là, le NPNRU tente de prendre en compte les critiques et le bilan de l’évaluation du PNRU.
• Les habitants deviennent un acteur incontournable.
Souvent oubliés dans le PNRU, les habitants doivent être associés à la mise en place des programmes de renouvellement urbain.
• Les démolitions ne sont plus systématiquement recherchées.
Les démolitions seront mises en place en fonction des territoires, des problématiques, des besoins locaux.
• Prise en compte de la qualité environnementale
• La mixité sociale et fonctionnelle comme objectif incontournable.
Si la volonté de maintenir l’objectif de mixité sociale est identique au PNRU, ce dernier ne prenait pas en compte l’accueil d’activités économiques nouvelles afin de faire de la mixité fonctionnelle.
• De la commune à l’intercommunalité.
Les conventions où figurent le contour des programmes de renouvellement urbain sont portées par les intercommunalités plutôt que les communes. Concrètement, cela permet de reloger les habitants et de reconstituer l’offre de logements sociaux dans des communes qui en accueillent moins.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Les protocoles de préfigurations ayant été signés depuis la mi-2018 environ, il s’agit aujourd’hui de passer des idées, des ambitions aux projets de territoire opérationnels afin de les présenter au sein d’une convention à l’ANRU. Ces dernières commencent à être signée en 2019. Une fois celles-ci signées, les premiers travaux pourront réellement commencer.
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Crédit photos : Ville de Lorient / Rennes Métropole / Archives municipales de Nantes