Portraits de femmes. Fari Salimy, engagée pour l’accès au logement à Nantes

 Fari, nantaise engagée pour l’accès au logement des habitant-e-s des Dervallières

Nom : SALIMY

Prénom : Fari

Âge : 69 ans

Quartier : Les Dervallières, Nantes

Signes distinctifs : Elle a reçu la médaille de Chevalier de l’ordre national du mérite des mains de Jean-Marc Ayrault, alors Premier Ministre, pour son action et son engagement au sein du quartier.

Engagements : D’abord engagée en tant que parent d’élève à son arrivée en France, elle devient bénévole à la Maison de Quartier des Dervallières et à la Confédération Syndicale des Familles, qu’elle préside respectivement pendant trois et douze ans. Lors de la période de confinement, elle participe à la mise en place et à la distribution de paniers solidaires au sein du quartier.

 

En 1981, Fari quitte son foyer en quelques minutes et fuit l’Iran pour sauver sa vie. Après un périple d’un an, elle arrive à Nantes avec ses deux enfants en bas âge et leur père, et s’installe dans le quartier des Dervallières. Dans ses bagages : une volonté farouche de s’engager pour plus de justice et de paix.

 

« Je n’ai pas été élevée sur l’importance du matériel mais sur l’importance des principes et des valeurs, c’est ça qui est important. »

 

 

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre quartier ?

« Je suis d’origine iranienne, ancienne réfugiée politique, française depuis très longtemps. J’ai quitté l’Iran en 1981 et je suis arrivée en France en 1982 avec mes enfants et le père de mes enfants. On était dans un foyer de réfugiés politiques à la Bottière et on est arrivés dans le quartier des Dervallières. On ne connaissait pas du tout, on ne parlait pas le français. Mes enfants sont allés à la crèche, ma fille est entrée à l’école et je suis allée en cours, directement à l’Université. À l’école, il fallait que je comprenne comment ça fonctionne. C’est là que j’ai rencontré des parents d’élèves de la CSF, la Confédération Syndicale des Familles et j’ai commencé à m’engager avec eux. Quand les enfants ont grandi, je n’étais plus parent d’élève, mais j’étais toujours à la CSF. Je me suis lancée sur la question du logement. Je me suis spécialisée avec l’aide des plus anciens. À la CSF, on est trois, je suis représentante des locataires. C’est un quartier que j’adore, j’ai été super bien accueillie par les gens, les professionnels, les assistantes sociales. C’est un quartier plein de richesses. Mes enfants sont allés au collège et au lycée ici, et je ne les ai jamais changés d’école. Les enseignants étaient excellents. J’aime ce quartier et les gens qui y vivent. »

 

« Quand les gens ont leur logement, ils sont super contents. Si on me dit merci, je dis : « Non, ne me dis pas merci, c’est ton droit, c’est la loi, tu as droit à un logement. »

 

Quel a été le déclic qui vous a donné envie de vous engager dans votre quartier ?

 

« Je suis engagée parce que cette façon de vivre, je l’avais déjà, je le faisais déjà dans mon pays. Pour mes parents, l’éducation et la santé étaient deux branches hyper importantes. Nous n’étions pas dans le besoin mais, depuis petite, je n’ai jamais aimé l’injustice. J’aime les gens en tant que tels, je ne regarde pas comment ils sont habillés, maquillés, comment ils vivent. Si quelqu’un vient et dit qu’il a besoin, c’est qu’il a besoin. Ce n’est pas facile d’aller voir quelqu’un et de dire ça. C’est pour ça que lorsque les gens viennent faire une demande, il faut faire confiance, il faut respecter. Les gens me racontent plein de choses et je leur dis qu’ils peuvent me faire confiance, mais je ne demande jamais qu’ils m’expliquent quel est leur problème. Ce n’est pas à moi de décortiquer leur vie. Je n’ai pas besoin de savoir, c’est une relation de confiance. »

 

 

Pensez-vous qu’être une femme change la donne quand on s’engage sur un territoire ? Votre parole est-elle plus difficile à faire entendre ?

« La France est machiste, quand on est une femme ici ou ailleurs, il faut s’imposer. Moi je me suis toujours imposée, j’ai toujours estimé que j’avais une place. Je ne cherche pas le pouvoir. Il y a une place pour tout le monde. Ça dépend aussi des personnalités, des façons de vivre, de l’éducation. L’enfant, la femme, l’homme se construisent dans leur environnement. Il y a des familles où hommes et femmes sont séparés. J’ai grandi dans une famille musulmane, dans un pays musulman et je n’ai jamais connu ça. C’est vrai que les femmes ont moins de place mais je suis entourée de femmes encore plus engagées que moi, qui foncent ! Les hommes ont peur que les femmes prennent leur place mais ils n’ont pas compris qu’il y a de la place pour tout le monde. »

 

« Je ne fais jamais seule mais toujours avec les autres, parce que tout seul on ne peut rien faire. C’est impossible. Si tu ne fais pas une équipe, si tu ne fais pas confiance, si tu ne marches pas avec les autres, ça ne marchera pas. »

 

Nous sortons de deux mois de confinement, quelles ont été les difficultés vécues par les familles dans le quartier des Dervallières ?

« Je pense que concernant les problèmes liés au logement, les gens n’en ont pas encore parlé, ça va arriver un peu plus tard. La question était plus : « Comment on va payer le loyer et surtout comment on va manger ? » Il y a eu des difficultés liées à l’éducation. Il y a des familles qui n’ont pas d’ordinateur. Et quand tu ne parles pas la langue, comment tu aides tes enfants ? Ça a beaucoup embêté les familles. Sur l’alimentation, les cantines ont fermé. C’est difficile, quand tu as trois enfants à la maison et que tu n’as pas beaucoup de revenus. On était une équipe, une quinzaine de personnes, on voulait faire quelque chose. On a fait les paniers solidaires, on continue, on le fait tous les mardis. On a commencé aux Dervallières avec 87 familles, et on est à 150 familles aujourd’hui. On a vu des gens qu’on ne voit nulle part, des personnes que personne ne connaissait, des personnes qui n’avaient jamais demandé d’aide, qui sont des travailleurs pauvres. Ce n’est pas facile de dire : « J’ai faim, mes enfants n’ont rien à manger. »

 

 

 

 

 

Avez-vous un rêve pour votre quartier et ses habitant-e-s ?

« Pas que pour le quartier ! Un quartier c’est un petit pays. La maison, le quartier, la ville, le département, ce sont de petits pays. On a tous des rêves personnels mais mon rêve pour le quartier est qu’il n’y ait plus d’injustice. Je voudrais que les gens se sentent bien, qu’il y ait la paix. Je voudrais que quand les jeunes sortent chercher du travail, on ne les regarde pas différemment parce qu’ils ont un prénom X ou Y. Ils sont chez eux, c’est leur droit. Dans mon école, il y avait des arabes, des musulmans, des juifs, des catholiques, des protestants mais c’est ici que j’ai appris ce que veut dire le mot raciste. »

Propos recueillis par Claire Gadebois

 

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