Stéphanie, trait d’union entre les femmes et les hommes
Nom : LE GAL-GORIN
Prénom : Stéphanie
Âge : 44 ans
Quartier : La fontaine des Eaux, Dinan
Signes distinctifs : réfléchit et agit à la fois auprès des victimes, mais aussi des auteurs de violences faites aux femmes.
Engagements : Très militante, elle lutte personnellement et professionnellement contre les violences faites aux femmes, pour l’égalité entre les femmes et les hommes et contre les discriminations.
L’Égalité femme-homme. C’est pour cette cause que Stéphanie milite. Instinctivement, depuis toute petite. Puis professionnellement, armée des concepts appris en études de sociologie. Et sur le terrain, face à l’évidence que le sexisme est au cœur des violences faites aux femmes. Aujourd’hui, elle partage son temps entre les victimes accueillies à l’Espace Femmes de Dinan et les auteurs de violence, via des stages de responsabilisation.
« Depuis 20 ans je travaille sur l’accompagnement des victimes et des auteurs et la diffusion de la culture de l’égalité à travers des interventions de prévention du sexisme. »
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre territoire ?
« L’Espace Femmes est un service de l’association Steredenn créé avec la volonté d’apporter des réponses spécifiques aux problématiques des femmes. On a le label d’accueil de jour pour femmes victimes de violences conjugales et sexuelles. On agit sur toute l’agglomération de Dinan, avec une part importante d’habitantes des quartiers prioritaires. Certaines y sont relogées suite à des séparations complexes. J’exerce ici depuis deux ans, en complément de mon activité indépendante de sociologue. Depuis 20 ans, je travaille sur l’accompagnement des victimes et des auteurs ou la diffusion de la culture de l’égalité à travers des interventions de prévention du sexisme. J’ai surtout exercé en milieu associatif avec un passage par les services de l’état, comme déléguée départementale aux droits des femmes en Côtes-d’Armor et chargée de mission régionale violences faites aux femmes à Rennes. J’ai pris le statut de micro-entrepreneur et je suis revenue en milieu associatif pour la liberté de ton et d’action. »
Quand avez-vous commencé à donner du temps pour l’égalité femme-homme ? Quel a été le déclic ?
« Dès l’enfance, j’ai eu un sentiment d’injustice parce que le fait d’être une fille m’empêchait de faire certaines activités traditionnellement réservées aux garçons. À l’adolescence, pas mal de choses me révoltaient, mais ce n’était pas très construit. C’est au fil de mon cursus en sociologie que j’ai commencé à intellectualiser, conceptualiser davantage. Ma dernière année de socio, j’ai suivi une spécialisation sur les rapports sociaux de sexe. C’est comme si tout ce que j’avais en tête, ce que je ressentais devenait plus clair. Je n’ai plus eu de difficulté à me revendiquer féministe. C’est devenu une évidence. »
« Je n’ai pas rencontré un seul auteur de violences faites aux femmes qui ne soit pas sexiste. »
Pensez-vous qu’être une femme change la donne lorsqu’on s’engage sur un territoire ? (Le regard est-il différent ? Faire entendre sa voix est-il plus difficile ?)
« Sur le poste de coordinatrice de l’Espace Femmes, je suis la seule à être formée à l’accompagnement des victimes de violences conjugales, sexistes, sexuelles. Cela me donne, dans l’inconscient collectif, peut-être plus de légitimité, d’être une femme qui parle des femmes en difficulté. C’est un territoire que je connaissais un petit peu, mais c’est surtout mon expérience pro qui est reconnue. Si on parle spécifiquement des victimes, il y a eu un tel travail de sape de leur conjoint qu’elle ont un cruel manque de confiance en elles. Clairement, elles vont avoir des difficultés à s’engager dans des actions au sein de leur quartier. Elles en conscience et elles le disent. On s’emploie à les sortir de leur isolement via le groupe de parole, les ateliers de mieux-être. L’idée est de les inciter à créer un minimum de liens entre elles pour qu’elles puissent en recréer à l’extérieur, qu’elles se sentent plus légitimes à s’engager. »
Nous sortons de deux mois de confinement, quelles ont été les difficultés vécues par les familles sur le territoire de Dinan ?
« Pendant le confinement, on a maintenu une permanence téléphonique 7 jours sur 7. Au début, j’avais surtout des appels de femmes que j’accompagne depuis un certain temps. Elles ne sont plus avec leur conjoint violent, en revanche, l’enfermement forcé suscitait une remontée des souvenirs traumatiques de séquestration. C’était très compliqué. Puis le téléphone a beaucoup sonné avec différentes situations, des femmes ou leurs proches pour avoir des infos et d’autres qui appelaient beaucoup parce qu’elles étaient perdues, coincées. On essayait d’agir avec l’intervenante sociale en gendarmerie. L’enfermement obligatoire venait renforcer l’emprise des auteurs. Mais attention, ils justifient et minimisent souvent leurs violences par des excuses. L’enfermement ou l’alcool n’en sont pas une. Aussi quelque chose d’émouvant, j’ai reçu l’appel d’un propriétaire privé qui a mis à disposition deux appartements pour des femmes victimes de violence. Il y a eu des belles choses. Les gens ont pris conscience qu’il pouvait se passer des choses terribles dans les huis clos familiaux. »
Avez-vous un rêve pour améliorer la situation des femmes sur ce territoire ?
« Il nous faudrait davantage de moyens pour former les professionnel·le·s. Dans le cadre de mon activité indépendante, j’anime des stages de responsabilisation auprès des auteurs de violences conjugales, et également des interventions à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc. On aborde la question de l’égalité femme-homme, leurs stéréotypes. Je me suis rendu compte qu’ils étaient tous sexistes. Ils ne sont pas capable d’envisager les rapports entre les hommes et les femmes autrement qu’un rapport de force. Si on ne les fait pas réfléchir là-dessus dès l’enfance, on n’y arrivera pas. C’est obligatoire. Ici on a un poste d’animatrice sensibilisatrice en milieu scolaire, c’est pour nous dans la logique de la prévention du sexisme. L’urgence, c’est de diffuser la culture de l’égalité, de ne plus tolérer le sexisme.»
Propos recueillis par Marie Fidel
