Portrait d’entrepreneur. Xhuliano SELFO, la voie de l’indépendance | Saint-Nazaire

Xhuliano n’évoque ni fierté ni obstacle quand il regarde son parcours d’entrepreneur. Il y voit un chemin naturel au fil duquel il a forgé son mental, et qui le mène avec son frère vers des valeurs auxquelles il croit : l’entrepreneuriat comme force et liberté. Il croit en ce modèle d’émancipation et souhaite l’encourager, en ouvrant son espace à d’autres entrepreneur·es…

Nom : SELFO

Prénom : Xhuliano

Âge : 27 ans

Signes distinctifs : Lucide, ambitieux, juste et visionnaire.

Nom de l’entreprise : Ofles (son nom de famille à l’envers).

Nature de l’activité : Barbier et salon de coiffure spécialisé dans les coupes hommes et service de laverie automatique, retouche-repassage. « Deux commerces. Une vision. Un seul moteur : l’indépendance partagée. »

Pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous a mené vers l’entrepreneuriat ?

« L’entrepreneuriat m’a donné de l’envie et de l’espoir. »

J’ai toujours eu envie d’entreprendre individuellement et avec la famille. Je trouve que c’est la voie de l’indépendance. Ce qui m’a poussé à prendre ce chemin, ce sont mes valeurs personnelles, la prise de responsabilité et la maturité. Je suis albanais. Nous sommes arrivés en France en 2016, avec mon frère Rafaël et mes parents. En Albanie, j’ai construit ma personnalité et lorsque je suis arrivé ici, j’ai pu la développer dans différents domaines, à Paris puis à Saint-Nazaire. Ce fut un grand défi d’arriver dans un endroit que je ne connaissais pas. Même si c’était dur, c’était le bon chemin. De l’Albanie à la France, j’ai parcouru avec détermination le grand chemin de l’intégration, animé par le désir profond d’y apporter ma contribution… J’ai été bénévole, en apprentissage, salarié. Je suis passé par presque toutes les étapes pour arriver ici. Je connais les valeurs du travail, mais aussi les limites du modèle salarial. J’avais cette envie de créer de la valeur. Notre mère était dans la coiffure. Elle a toujours eu cet esprit d’entrepreneuriat et nous a poussés, mon frère et moi, à prendre ce chemin. L’entrepreneuriat m’a donné de l’envie et de l’espoir.

Quel projet avez-vous développé et pourquoi ?

Le projet de laverie est né pendant le Covid, en constatant que c’était un commerce de nécessité, encore plus dans cette ville qui accueille beaucoup de travailleurs saisonniers ou d’étudiants. Avec mon frère, nous ne connaissions rien de ce type d’activité, mais l’envie était grande. On a commencé à se renseigner auprès d’autres laveries, jusqu’à trouver des liens importants pour structurer notre projet avec des organismes de formation. J’avais déjà acheté le local. C’était une ancienne banque, je pensais développer un projet locatif, mais en voyant le potentiel de l’emplacement, nous avons décidé de créer deux cellules commerciales. La coiffure, c’était plus naturel. On connaissait le métier. Notre mère avait eu plusieurs salons. J’avais suivi quatre ans de formation, en CAP et BP coiffure au CFA de Saint-Nazaire. La particularité de nos locaux, c’est que nous les ouvrons aux entrepreneur·es. Nous avons aménagé un salon individuel ainsi qu’un bar à disposition pour permettre à des professionnels d’exercer. La Laverie accueille aussi un espace de retouche et repassage pour une professionnelle indépendante. C’est un espace partagé d’entrepreneuriat.

Quels ont été les réussites et les freins dans la mise en œuvre de votre projet ?

Je ne parlerais pas de freins ni d’obstacles. J’ai rencontré plusieurs problèmes assez normaux quand on entreprend. Je les prends comme des défis. La peur, le doute nous traversent. C’est l’opportunité d’acheter ce local qui a été décisive, avec un emplacement stratégique sur l’avenue de la République, proche de l’arrêt de bus. C’était une prise de risque pure ! Le plus grand défi, c’est de se comprendre soi-même, de comprendre l’impact que la situation professionnelle a dans nos vies. L’entrepreneuriat, c’est avant tout une affaire de compréhension. Je refuse de parler de « réussite ». Pas par timidité, mais par honnêteté. Pour moi, l’entrepreneuriat n’est pas un sommet à atteindre, mais un chemin à partager. Et ce chemin, il faut le tracer avec méthode, vision… et une sacrée dose de courage. Nous nous entourons d’indépendants avec le même esprit, parce que chaque voix, vision et valeur méritent d’exister.

« L’entrepreneuriat n’est pas un sommet à atteindre, mais un chemin à partager.»

Comment et par qui avez-vous été accompagné dans le montage de votre projet ?

Nous avons été accompagnés de la meilleure manière possible. Avec BGE, un organisme qui aide les entrepreneur·es, nous avons fait le business plan. La Chambre des Métiers aussi nous a soutenus. Au fur et à mesure, nous avons développé des connexions avec des personnes qui nous ont inspirés avec un mot, une idée, un soutien. Nous avons reçu beaucoup d’aides. C’est important quand on entreprend d’avoir un entourage. Monter le projet avec mon frère, associé, a été une richesse. On voit mieux avec quatre yeux qu’avec deux. Nous nous répartissons les tâches là où chacun se sent bien. Les banques aussi nous ont fait confiance. En France, c’est une chance que le mérite soit soutenu.

Quelles sont les particularités d’exercer votre activité en quartier prioritaire ?

Quand nous sommes arrivés, nous avons commencé à nous intégrer dans la société française et nazairienne. Nous avons fréquenté différents endroits pour apprendre la langue. Cela a pris du temps pour être régularisés. Nous avons participé à la maison de quartier de la Chesnaie-Trébale. On entendait que c’était un quartier difficile, avec des problématiques de violence et de drogue, mais on ne les a pas ressenties. Tu peux habiter le plus beau quartier de la ville et sombrer dans l’obscurité — car ce n’est pas que le lieu qui fait la lumière, mais les valeurs qu’on porte. On était si bien soutenus et accompagnés que cela ne nous paraissait pas envisageable de recevoir autant sans donner. Aussi, nous sommes devenus bénévoles aux Restaurants du Cœur. On avait un petit salon de coiffure là-bas, pour offrir des coupes gratuites aux personnes en difficulté économique. On s’est aussi impliqué bénévolement au festival Les Escales. C’était une forme de reconnaissance. Nous avons choisi un emplacement en centre-ville pour nos commerces.

Quels sont vos souhaits pour l’avenir et pour développer votre activité ?

J’observe un changement dans le monde par rapport aux manières de travailler. C’est génial, de voir les personnes sortir de la subordination salariale. Entreprendre crée de l’espoir, pour moi c’est vital. L’avenir, je le vois très clair. Je veux contribuer à bâtir un écosystème local où des talents peuvent s’élever, se rencontrer, et créer ensemble. Ce lieu est une base, mais ce que nous visons, c’est un mouvement. Je crois en l’entrepreneuriat de terrain, humain, fondé sur la responsabilité partagée. Mon rôle est de créer les conditions pour que d’autres puissent s’émanciper à leur tour. On fonctionne avec trois personnes en freelance pour l’instant. On s’est rapprochés du CFA de coiffure pour créer une passerelle avec les élèves, car quand on sort de l’apprentissage, on a les connaissances, mais pas forcément la confiance en soi ni la pratique. Je cherche aujourd’hui à m’entourer de profils créatifs, ambitieux, passionnés, qui partagent cette même envie : construire du sens et de la valeur, ensemble.

Contact : xhuliano.selfo@yahoo.com

 

Propos recueillis par Marie Fidel

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