Portrait d’entrepreneure. Marie-Géraldine JEAN-BAPTISTE BAHANA, à sa place chez Kafrine | La Roche-sur-Yon

D’abord, elle a quitté son île, La Réunion, portée par des envies de voyage et de découverte. Mais certaines amarres ne sont pas aisées à libérer, surtout quand on cherche sa place, et que l’école vous a attribué la dernière. Monter son food truck « Chez Kafrine » est une véritable libération, pour Marie-Géraldine, une femme battante, qui a su s’entourer des bonnes personnes pour croire en elle et en ses rêves. 

Nom : Jean-Baptiste Bahana
Prénom : Marie-Géraldine
Âge : 41 ans
Signes distinctifs : femme battante, têtue et courageuse.
Nom de l’entreprise : Chez Kafrine
Nature de l’activité : Food truck de cuisine traditionnelle de la Réunion et du Congo.

Pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous a mené vers l’entrepreneuriat ?

J’ai élevé seule mes quatre enfants, avant de rencontrer mon mari, le père de mon petit dernier. Nous attendons un sixième enfant qui arrivera en fin d’année. Dans notre culture, la venue d’un enfant est une bénédiction, une porte ouverte vers autre chose. Je suis d’origine réunionnaise et mon mari du Congo. Ma mère est réunionnaise et mon père est malgache. J’ai grandi à La Réunion. Je ne trouvais pas ma place, je voulais explorer le monde. Je suis arrivée ici en 2010, dans le sud de la France puis en Vendée pour rejoindre une tante. J’ai emménagé à La Roche-sur-Yon en janvier 2011, dans le quartier de la Liberté. Depuis toujours, j’avais envie de créer quelque chose sans trouver la bonne activité. J’ai fait une formation d’onglerie, j’imaginais travailler en me déplaçant à domicile, mais j’ai fait une étude de marché et j’ai laissé tomber, car beaucoup de personnes proposaient ce service. Alors mon mari et mes amis m’ont dit : tu adores cuisiner et recevoir, pourquoi ne ferais-tu pas un food truck ? Je suis allée à la Chambre des Métiers et tout a démarré.

«J’ai grandi à La Réunion. Je ne trouvais pas ma place, je voulais explorer le monde.»

Quel projet avez-vous développé et pourquoi ?

Je suis réunionnaise, je connais la cuisine de mon île. Je l’ai apprise avec ma mère, ma grand-mère et ma sœur. C’est une cuisine qui mélange les influences culturelles chinoises, hindoues, arabes. Elle représente toute la diversité culturelle réunionnaise. Je propose par exemple le rougail saucisse, un plat savoureux emblématique de la Réunion. Il y a un peu de chaque continent dans mes plats. La cuisine congolaise, je l’ai apprise avec mon mari. Elle se rapproche un peu de la mienne, mais les épices varient. On y trouve plus de feuilles ou de racines… Le « saka saka », par exemple, est un plat à base de feuilles de manioc, de poisson, d’aubergines et de poivrons. Je voulais faire goûter ces deux cuisines au monde. Le choix du food truck me permettait de démarrer en évitant les charges d’un loyer, dans un premier temps. Je cuisine dedans, sauf les samoussas et les nems, que je prépare avant.

Quels ont été les réussites et les freins dans la mise en œuvre de votre projet ?

Les freins étaient financiers. Une fois ma formation finie, j’avais mon prévisionnel sur trois ans et il fallait démarcher les banques pour financer le projet, notamment acheter le food truck et les à-côtés, les premières dépenses liées à l’activité. Une autre difficulté fut de trouver le food truck. Ce n’était pas facile, les véhicules étaient chers. J’hésitais entre le neuf ou l’occasion. Il fallait être réactive et je devais attendre la fin de la formation pour acheter. Mes réussites, c’est d’avoir obtenu ces qualifications, et d’avoir trouvé le food truck, grâce à un financement de la banque. Après, il y a eu les petites réparations et achats pour décorer le véhicule. Ces moments passés avec mes enfants et mon mari ont été forts. Tout vient de lui. Il m’a motivée. Sans son soutien je n’aurais jamais réalisé ce projet. Dès que j’ai commencé, on m’a validé des places au marché et à divers endroits sur La Roche. J’ai démarché les entreprises et la commune pour savoir si j’avais le droit de me mettre là. Je suis allée à La Garenne, aux halles, et sur le marché des Jaulnières le dimanche, également au marché de Belleville à Bellevigny. Les gens ont apprécié tout de suite. Mes premiers clients ont été nos amis.

Comment et par qui avez-vous été accompagnée dans le montage de votre projet ?

J’étais une fille assez timide et réservée. Je n’osais pas et ne trouvais pas ma place. J’ai fait une formation en 2019 avec Format Pro. J’ai rencontré une sophrologue et l’équipe de formation m’a fait voir qui j’étais vraiment. Même si à l’école on me disait que je ne ferais rien de ma vie, que je serais la dernière, je me suis autorisée à penser que ce n’était pas vrai. Il suffit d’avoir la volonté et quelqu’un à côté qui nous soutienne. Moi, c’était mon mari, mes enfants et mes amis. Cela m’a permis de m’ouvrir, de croire en moi et en mes rêves. Et de là, cette idée de food truck a commencé dans ma tête. Alors j’ai foncé ! J’ai fait des recherches sur internet et je suis allée à la Chambre des Métiers qui m’a proposé une formation sur l’entrepreneuriat. Elle ne durait que quelques jours, je trouvais cela court. J’ai enchainé sur une formation sur six semaines, rémunérée. C’était mieux pour moi, j’ai appris tous les volets de l’entrepreneuriat. J’ai été aidée par des réseaux comme Cerfrance Vendée, Initiatives Vendée, France Active. J’ai obtenu un prêt d’honneur en tant que femme entrepreneur. Puis l’Adie m’a aidée. J’ai complété avec de petites formations informatiques et la HACCP (Hygiène Alimentaire pour l’activité de restauration commerciale). C’est obligatoire pour exercer, tout comme le permis d’exploitation pour les boissons.

« Même si à l’école on me disait que je ne ferais rien de ma vie, que je serais la dernière, je me suis autorisée à penser que ce n’était pas vrai. »

Quelles sont les particularités d’exercer votre activité en quartier prioritaire ?

La domiciliation du food truck dans le quartier a été un obstacle. Mon bailleur Vendée Habitat ne voulait pas que je domicilie l’activité à mon adresse. J’ai cherché à mettre mon food truck chez une tante, mais elle est décédée, alors on m’a conseillé de choisir une adresse dans un bureau en ville, ce que j’ai fait. Sinon, j’ai eu un peu de clientèle dans le quartier, mais pas beaucoup. J’ai distribué mes cartes de visite et flyers. Les habitant·es sont venus par curiosité. Certains n’ont pas osé, car ils ne savaient pas si ma cuisine était halal. Je leur ai expliqué que oui. Nous étions bien dans ce quartier, durant sept ans. Il y avait l’école juste derrière. Mais en plus du refus de domiciliation, j’ai eu des problèmes pour stationner le food truck, alors j’ai fait une demande pour trouver un logement ailleurs. Et nous avons trouvé une maison à Brem-sur-Mer, qui correspondait à notre situation familiale. Nous sommes arrivés en mars. Je vais commencer avec le marché nocturne.

Quels sont vos souhaits pour l’avenir et pour développer votre activité ?

Je souhaite me développer ici à Brem-sur-Mer, sur la côte, faire découvrir ma cuisine aux habitant·es et d’ici deux ou trois ans, être suffisamment connue et avoir un petit local. Je veux continuer à régaler les personnes, avec le même plaisir que lorsque je cuisine à la maison pour mes enfants et mes amis. J’aime changer mes plats, mes sauces, être en cuisine, qu’il ne reste plus rien dans les assiettes ! Voir les gens manger, c’est mon bonheur. La cuisine pour moi est une évasion.

Propos recueillis par Marie Fidel

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