Bénévole au sein de l’Association Soli’Cités, habitant du Quartier de Rezé Château
Faman est la figure de proue de l’association Soli’Cités qui réunit aujourd’hui une vingtaine de bénévoles, principalement dans le quartier de Rezé-Château. De son parcours, il puise une volonté sans faille et un sens des responsabilités dont il entend notamment faire bénéficier les jeunes, dans l’optique de les accompagner sur leurs chemins de vie.
Nom : KONE
Prénom : Faman
Âge : 27 ans
Signes distinctifs : Il connaît tout le monde dans son quartier.
Projets : Pleinement engagé au sein de l’association Soli’Cités, il espère que les pouvoirs publics et les bailleurs locaux se joindront à Atlantique Habitation qui soutient déjà le projet. L’objectif sera de consolider les actions et les impacts de l’association, par le biais du recrutement d’un-e salarié-e.
Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours et quels sont vos projets ?
Je suis Faman Kone, j’ai 27 ans, j’habite à Rezé-Château. J’ai été à l’école, ça se passait bien. En classe je n’étais pas bête, mais travailler ce n’est pas qu’à l’école, c’est aussi à la maison. Tu as des devoirs à faire, des projets à faire, des stages à trouver. Moi je voulais devenir carrossier. J’avais mes deux parents qui n’étaient pas allés à l’école, et donc c’était difficile. On m’aidait en classe mais une fois à la maison, il y avait des choses qu’il fallait faire et tout seul je ne pouvais pas. Du coup, je sortais dehors et je n’avais personne vers qui aller. J’ai essayé de faire mes démarches tout seul, de trouver un patron, de faire un CV mais tout seul, ce n’est pas facile. On est jeune, on baisse les bras, on se dit qu’on ne va jamais y arriver. On commence à traîner dans le quartier, à faire des petites bêtises. C’est comme ça que ça commence. Ici dans le quartier, on est livrés à nous-mêmes, il n’y a pas grand-chose pour les jeunes. Il y a des jeunes qui sont très très intelligents, qui ont des bonnes notes. A l’école, ils travaillent bien mais une fois dans le quartier, ils n’ont pas de suivi, personne pour les accompagner. Ils commencent à faire un peu n’importe quoi. Nous, on voudrait mettre fin à tout ça, c’est ça notre projet, créer une association pour les accompagner.
« Moi j’aurais aimé être carrossier, avoir mon garage, je n’ai pas pu, pourtant j’avais la capacité. Il y a des jeunes qui ont des projets, ils veulent faire des choses et nous on veut être sûrs et certains qu’ils vont le faire, on va les accompagner. »
Pour vous qu’est-ce que ça veut dire d’être jeune en 2021 ?
Ce n’est pas facile d’être jeune aujourd’hui. Surtout dans les quartiers. Il y a beaucoup de choses que tu voudrais faire mais que tu ne peux pas forcément faire. Déjà, il y a la Covid, l’enfermement. Les parcours scolaires sont difficiles. Et quand tu restes à la maison, c’est encore plus difficile. Il y en a plein qui n’ont pas internet.
« Je me sens responsable parce que quand j’étais plus jeune, je n’ai eu personne vers qui aller pour faire mes démarches. Aujourd’hui je me dis : « si nous on ne se réveille pas pour les jeunes, personne ne va le faire ». Ce que j’ai vécu, je ne veux pas que les jeunes le vivent. Donc je vais me battre pour le quartier, pour les jeunes, avec l’association. »
Vous faites partie d’une génération traversée par des mouvements sociaux très forts, Black Lives Matter, les Marches pour le climat, #MeToo, etc., qu’est-ce que ça vous inspire ?
Ça m’inspire que les choses évoluent. Pour moi, ça fait changer les choses. Tout le monde a un smartphone, il y a les réseaux sociaux, et tout se retrouve sur les réseaux. Pour des histoires judiciaires, ça a pu parfois faire basculer les choses. Comme à Paris, quand des policiers sont rentrés dans le studio musical et ont essayé de faire passer ça pour une agression des jeunes, et après visionnage, ce sont les policiers qui étaient en tort. S’il n’y avait pas eu de vidéo, pas de smartphone, ça aurait été parole contre parole.
Est-ce qu’il y a des choses qui devraient changer dans le quartier ?
Sur la Place (François Mitterrand), il y a plein de cellules commerciales qui sont vides. Ici, on n’a pas trop de moyens, on ne peut pas se payer un coiffeur à 30 euros, ou un resto à 50 euros donc on aimerait bien avoir sur la Place, un coiffeur à 10 euros, des fast-foods. Il y a des locaux qui sont fermés parce que les loyers sont trop chers et personne ne veut les prendre. Et puis donner un lieu aux jeunes. Un lieu où ils peuvent aller faire leur CV, un lieu comme celui qu’on est en train de mettre en place. Trouver un local où ils pourront se rencontrer, discuter, rigoler, c’est important. S’ils se retrouvent dans les cages d’escalier ce n’est pas pour rien, ils n’ont rien à faire, ils sont délaissés, on ne leur propose pas d’activités. Parfois, ils demandent des choses pour le quartier, pas forcément compliquées. Par exemple, les jeunes voulaient avoir un équipement de street workout pour faire de la musculation, et à la place ils ont mis un skate park qui ne les intéresse pas forcément. Ce sont plus des gens d’ailleurs qui viennent en bénéficier, parce que ce n’était pas leur demande au départ.
« On voudrait accompagner les jeunes mais pas que, aussi accompagner les papas du quartier, nos mères, il y en a beaucoup qui sont illettrés, ce n’est pas facile pour eux non plus, pour trouver du travail, c’est la galère. »
Comment avez-vous vécu le confinement et les restrictions actuelles liées à la situation sanitaire ?
C’est difficile, on est des personnes qui aimons bien la liberté, rencontrer des gens, des personnes d’autres quartiers aussi, échanger, et là on ne peut plus trop, on reste entre nous, on essaye de faire du sport pour faire passer le temps.
Quel serait votre rêve ?
Mon rêve c’est d’être un jour Maire de Rezé, pour faire changer les choses. C’est vrai, pourquoi pas ? Souvent, avant les élections municipales, ils viennent dans le quartier, ils font des promesses, beaucoup de promesses, mais une fois élus, on n’a plus de nouvelles et il ne se passe rien. Ça fait des années que c’est comme ça. Dans le quartier je connais tout le monde, les jeunes, les mamans, on est tous une famille. C’est arrivé qu’on me propose de parler avec les jeunes du quartier avant les élections. Mais une fois que les élections sont passées, il ne se passe rien. On s’est dit qu’on allait faire les choses par nous-mêmes. Ça me tient à cœur d’aider les jeunes parce que j’ai grandi ici, j’ai eu des difficultés. Ce que les jeunes vivent, je l’ai vécu, et je vais me battre pour que les choses avancent, et devenir le Maire de Rezé. Ça mettra peut-être 10 ans, 20 ans, mais c’est mon projet.
Propos recueillis par Claire Gadebois