Sous le soleil qui inonde le Parc du Château de Sablé-sur-Sarthe, Maëlys, appareil photo en bandoulière, partage son parcours et sa vision de la société. Elle revient sur cette dernière année marquée par la crise sanitaire et ses conséquences, avec ses mots justes et clairs.
Nom : CROSNIER
Prénom : Maëlys
Âge : 22 ans
Signes distinctifs : Elle préfère la marche à l’usage de la voiture, parce qu’« on profite plus de la vie en se servant de ses pieds ».
Projets : À la recherche d’un emploi ou d’une mission en service civique, elle travaille son art de la photographie pour en faire son activité professionnelle.
Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours et quels sont vos projets ?
Je m’appelle Maëlys, je vais avoir 23 ans à la fin de l’année, et je suis photographe amatrice. J’aimerais devenir professionnelle mais c’est très compliqué par les temps qui courent. J’ai fait des études pour devenir boulangère pâtissière mais j’ai fait une allergie à la farine. Il a fallu trouver un nouveau parcours, alors j’ai essayé la vente mais personnellement je n’aime pas le contact avec les clients. J’aime beaucoup faire des photos mais le contact, avec ma timidité, c’est très compliqué. Dans le commerce, quand on m’a dit que pour avoir mon diplôme il faudrait faire de la caisse, je me suis dit : « non ». Après, j’ai fait une formation de photographe que je n’ai pas terminée parce que c’était beaucoup de vidéos sur internet. Je pensais qu’il allait y avoir des aides sur papier pour apprendre les termes techniques mais il n’y avait rien. Apprendre quelque chose quand on n’a pas le nom, surtout quand on a un peu des problèmes pour écrire en phonétique, c’est difficile. J’ai décidé d’arrêter, j’ai appris des choses qui me servent encore aujourd’hui, j’ai mes notes dans mon sac parce que si jamais la météo change, je veux pouvoir régler mon appareil.
« Il faut profiter de la vie, on n’en a qu’une. Et avec tout ce qui nous entoure aujourd’hui, ces ondes un peu négatives, la Covid, il faut en profiter. Et il faut prendre soin de nos proches. »
Pour vous qu’est-ce que ça veut dire d’être jeune en 2021 ?
Privé de liberté déjà, pour commencer. Moi je regarde sur internet, étant donné que je suis en recherche d’emploi. Mais la plupart des magasins et des associations sont fermées. Donc pourquoi s’acharner à passer ses journées sur Pole emploi si c’est pour faire un entretien par téléphone ? Moi j’ai besoin du contact humain pour voir l’environnement où je pourrais potentiellement travailler, pour discuter. Le contact humain, on ne l’a plus depuis un an. »
« J’aimerais bien trouver un service civique pour renforcer mon projet, peut-être pour vaincre cette timidité qui est là et qui m’empêche d’avancer. Le contact avec les gens, de moi-même, quand je ne les connais pas, je n’y vais pas. »
Vous faites partie d’une génération traversée par des mouvements sociaux très forts, Black Lives Matter, les Marches pour le climat, #MeToo, etc., qu’est-ce que ça vous inspire ?
Moi je ne suis pas trop dans les mouvements, je ne m’y intéresse pas forcément. Parfois j’en entends parler sur les réseaux sociaux, mais c’est tout. Par contre je trouve ça hyper bien qu’il y ait ces mouvements parce que ça fait avancer les choses. Pour le climat, pour l’environnement, je me dis que c’est super parce que quand on voit qu’en été on peut avoir 40 degrés et que les moyennes augmentent d’année en année, c’est compliqué. Moi ce qui m’inspire beaucoup, c’est tout ce qui concerne les personnes qui sont homosexuelles et transgenres. Tous ces mouvements-là, LGBT (Lesbienne, Gay, Bi.e.s, Trans) je trouve ça super qu’ils puissent s’exprimer librement même si des gens leur mettent des bâtons dans les roues. Il y a 10 ou 20 ans en arrière, ils ne pouvaient pas se mettre en avant comme aujourd’hui. Moi je respecte la communauté LGBT, ils se battent pour ce qu’ils sont et je suis fière d’eux parce que ce n’est pas facile. Quand on voit sur les réseaux sociaux que des personnes se font taper dessus parce que ce sont des hommes maquillés, je me dis : « Mais si ça leur plaît ! ». Si un homme a envie de se mettre du vernis, pas de problème. Le vernis à ongle, c’est fait pour les ongles, ça n’a pas de genre. Le rouge à lèvres, c’est pareil, on a tous des lèvres. Je trouve ça super de s’assumer comme on est. Nous les femmes on porte bien des pantalons, alors pourquoi pas un homme en jupe ? Un vêtement reste un vêtement.
Est-ce que selon vous, il y a des spécificités à vivre ou à grandir dans un quartier ?
Etant donné que je ne sors presque pas, je ne sais pas mais je pense qu’il y en a. C’est une bonne question parce que peut-être qu’il y en a pour d’autres personnes, mais pour moi c’est l’inconnu. J’habite à Sablé, dans le quartier de la Rocade, qui est un quartier que je ne connais absolument pas. C’est-à-dire que mes seules sorties, ce sont la boulangerie, la pharmacie et la Houlala Compagnie quand j’y vais. J’y habite depuis 5 ans mais c’est vrai que quand on ne connaît pas les gens qui y habitent, dans un quartier un peu réputé, hors de la ville, il n’y a pas grand-chose à faire. Il y a un parc pour enfants, une école, mais c’est tout. Je suis quelqu’un qui reste très souvent enfermée dans sa chambre, à faire des petits trucs sur son ordinateur, je suis très casanière.
Comment avez-vous vécu le confinement et les restrictions actuelles liées à la situation sanitaire ?
Moi j’ai très mal vécu le 1er confinement parce qu’on était limités à un 1 km, et il faisait très beau. Remplir un papier pour dire que je vais me promener dans un parc à 1 km de chez moi juste pour faire des photos, j’ai évité de le faire. J’ai eu très peur des gendarmes, qu’ils m’arrêtent pour me demander ce que je vais faire dans un parc avec un appareil photo. Je me suis dit : « non, je vais rester chez moi, tranquille, au pire je sortirai dans mon jardin, j’irai prendre en photos les fleurs de fraisiers, au printemps c’est très beau ». On ne comprend pas pourquoi tel magasin est ouvert et pourquoi pas un autre. Qu’est-ce qui est essentiel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Les opticiens sont fermés. Moi qui ai des problèmes de vue, si demain je casse mes lunettes, je fais quoi ? C’est peut-être bête ce que je dis mais on est beaucoup dans ce cas. On doit attendre pour des lunettes ou pour refaire faire des lentilles. Je me dis qu’il ne doit pas porter de lunettes notre Président.
« Parfois, je me dis : « où est la culture française ? » Pour moi, la culture, c’est autant la gastronomie que la musique, la danse, les spectacles, et tout ça, on en est privés depuis un an. »
Quel serait votre rêve ?
Je voudrais qu’il y ait moins de harcèlement scolaire. C’est un sujet dont on ne parle pas, et pourtant, le nombre de vidéos que j’ai pu voir sur les réseaux sociaux ! Quand je vois une petite fille qui se fait harceler et que le prof n’en a rien à faire, et que les parents sont obligés de contacter l’Académie ! Et qu’on en finisse avec le coronarivus. Qu’on change de disque. Reparlons du cancer du sein, du VIH parce que depuis un an, on n’entend plus parler des autres maladies et pourtant elles sont là. Demain on peut tous avoir un cancer, un accident de voiture, on peut aussi attraper la Covid c’est vrai, mais on ne parle plus des autres maladies. Qu’on retrouve nos libertés, c’est une première chose, et ensuite, que je puisse vivre mon rêve, être photographe.
Propos recueillis par Claire Gadebois
