Aussi pudique et discrète que drôle et chaleureuse, Marita Mendy est une habitante investie dans la vie du quartier où elle réside depuis plus de 40 ans. Que ce soit auprès de sa famille, ses enfants et petits-enfants, ou au sein du Local, l’espace de vie sociale de son quartier, où elle passe le plus clair de son temps, cette Nazairienne d’adoption prend soin des liens avec les autres, sans condition.
Nom : Mendy
Prénom : Marita
Âge : 74 ans
Signe distinctif : un amour inconditionnel pour les enfants, les siens et ceux des autres
Engagements : bénévole au Local, l’espace de vie sociale du quartier Prézégat, à Saint-Nazaire
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Mon mari est arrivé en France en 1961, à Toulon. Il travaillait sur les chantiers navals en tant qu’ouvrier, et a été envoyé à Saint-Nazaire en 1977. C’est à ce moment-là que je suis partie à mon tour du Sénégal avec notre fille aînée, pour le retrouver, en 1978. Quand je suis arrivée, je ne connaissais vraiment pas beaucoup de monde. Ma langue natale, celle avec laquelle je prie encore, c’est le Mendiaque. Quand je suis arrivée je ne savais ni lire, ni écrire en Français, alors pour tisser des liens c’était compliqué. Mais dès que j’ai commencé à apprendre le Français, j’ai fait connaissance avec les voisins et les voisines. Avec mon mari, nous avons cinq enfants : quatre filles et un garçon. Ils habitent à Paris, Toulouse… et Saint-Nazaire pour la petite dernière. Elle habite près du port et passe très souvent nous voir. Je m’occupe de son fils de trois ans le mercredi et pendant les vacances. On rigole bien ensemble. Avec mes autres petits-enfants aussi, mais ils sont plus grands et ils sont plus loin alors il y a moins d’occasions de les garder. J’adore les enfants, ceux de ma famille mais pas seulement, j’ai aussi beaucoup gardé ceux des voisins. Je n’ai jamais pu travailler à cause de mes problèmes de dos. Mon médecin m’a dit que ce n’était même pas la peine d’essayer. De toute façon, tant que mes enfants étaient petits, il fallait s’en occuper, d’autant que mon mari était envoyé partout dans le monde avec son métier, de Brest à Tahiti. J’étais souvent toute seule à l’appartement. Quand on est arrivé à Saint-Nazaire, on était au 6ème étage, et en 1982, nous sommes descendus au 5ème. J’étais très contente parce qu’on avait enfin trois chambres. C’est là que nous vivons encore, avec mon mari.
« Quand je suis arrivée je ne savais ni lire, ni écrire en Français, alors pour tisser des liens c’était compliqué. Mais dès que j’ai commencé à apprendre le Français, j’ai fait connaissance avec les voisins et les voisines. »
Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?
Le quartier a beaucoup changé depuis 40 ans que j’y habite. A l’époque par exemple, les terrains de jeux pour les enfants n’étaient pas au même endroit, ils étaient derrière les immeubles et moins nombreux. Et puis, il n’y avait pas tous les arbres qu’il y a maintenant. Il n’y avait vraiment pas grand-chose en fait ! C’était assez vide à part les immeubles. Je devais aller dans le centre-ville pour faire toutes les courses, ou me faire livrer, parce qu’on n’était vraiment pas très bien connectés aux autres quartiers… Il n’y avait pas de bus par exemple, enfin il était de l’autre côté de la passerelle. C’est nous, les habitantes et les habitants, soutenus par des associations, qui avons demandé que la Ville crée une ligne. Le Local, l’espace de vie du quartier, n’existait pas encore quand je suis arrivée, il a ouvert dix ans plus tard peut-être. Au début, il n’y avait pas autant de monde ni d’activités, ce n’était pas aussi animé. Aujourd’hui je peux venir du matin jusqu’au soir. Parmi les choses qui ont changé dans mon quotidien aussi, il y a le dynamisme de la paroisse. Avant, j’allais à l’Eglise tous les jours. J’étais même déléguée du quartier pour l’église catholique, ce qui m’occupait beaucoup à travers des réunions avec les autres délégués, y compris dans d’autres villes. Mais les dames qui s’occupaient de tout ça ont déménagé, sont mortes, sont malades ou en maison de retraite, alors il ne se passe plus rien. Je prie de chez moi.
Comment vous situez-vous dans le quartier ?
« J’aime beaucoup mon quartier, je m’y sens bien. Je m’entends bien avec tout le monde ici. Depuis 40 ans que j’y habite. »
J’aime beaucoup mon quartier, je m’y sens bien. Je m’entends bien avec tout le monde ici. Depuis 40 ans que j’y habite, je ne connais pas tout le monde mais beaucoup de gens quand même. Dans l’ascenseur, je dis toujours « Bonjour ». Si on me répond tant mieux, sinon tant pis, ce n’est pas grave. Ça fait partie de ma personnalité de donner du respect à chaque personne que je croise, et d’essayer d’aider toutes celles qui en ont besoin avec mon grand cœur. Je passe beaucoup de temps au Local, presque tous les jours. A la fois pour participer aux cours, de langue ou de couture, mais aussi en tant que bénévole. Je suis très heureuse d’y venir, je m’y sens bien. C’est comme une deuxième maison pour moi. Sylvie, la présidente, Joëlle, Nicole : j’ai retrouvé des sœurs ici. On rigole bien, on s’occupe bien. Et puis c’est là que j’ai appris à lire et à écrire, grâce à différentes dames. C’est dur d’apprendre, mais je suis têtue : quand j’ai décidé d’arriver à faire quelque chose, je ne lâche pas le morceau. J’ai aussi appris à coudre, au Local : je fabrique mes propres robes, des sacs ou des manteaux de pluie… J’en ai offert un à ma mère d’ailleurs, lors d’un de mes voyages au Sénégal. J’y retourne souvent avec toute la famille pour voir nos proches. J’ai encore des sœurs, mes parents et beaux-parents là-bas.
Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?
Je suis très fière de mes enfants, et je crois que c’est tout ce qu’une maman peut espérer. Alors je ne sais pas si j’ai un rêve, si ce n’est de continuer d’être bien dans mon quartier. Continuer de faire des fêtes tous ensemble comme on en a déjà organisées avec le Local. Des fêtes autour desquelles on se retrouve parce que tout le monde peut venir, où nous cuisinons des plats africains, des spécialités comme des pastels, ces petits chaussons fourrés à la viande et aux légumes. On invite un groupe de musiciens, et tout le monde finit par danser et chanter ensemble. Ça donne de la joie ! Je voudrais aussi remercier les jeunes, moi je m’entends très bien avec eux. Et remercier les mamans, qui les ont élevés, et leurs papas aussi.
Propos recueillis par Clémence Leveau
