Portraits de sportif. Gianni JOSEPH, la danse et les valeurs en partage pour rendre extraordinaire le quotidien | Fontenay-Le-Comte

Mordu par le virus de la danse à 11 ans, Gianni Joseph pratique intensivement et intègre successivement le Conservatoire d’Angers, puis le Centre National de Danse Contemporaine. Il parcourt les vastes courants de la danse, entre collaborations avec la chorégraphe Carolyn Carlson jusqu’à l’exploration du répertoire de Merce Cunningham. Fort de sa volonté de transmettre, il organise pour la 2ème année consécutive dans le quartier des Moulins-Liot le projet Danse au cœur, un événement ouvert à toutes et tous pour pratiquer au travers d’ateliers chorégraphiques, et voyager par le mouvement.

Nom : JOSEPH

Prénom : Gianni

Âge : 45 ans

Signe distinctif : Le métissage. Né dans une famille où se côtoient les cultures réunionnaise, chinoise et malgache, et ayant grandi dans un quartier riche de différentes nationalités, il a mis le métissage au cœur de sa pratique sportive et artistique pour créer des ponts entre les disciplines et les personnes.

Sport pratiqué : La danse, ou plutôt les danses, dont il adapte les approches en fonction des publics très différents qu’il accompagne.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis chorégraphe danseur pédagogue, formateur à Fontenay-le-Comte en Vendée. J’ai rencontré la danse à l’école en fait. Il y avait un contrat entre la ville, certains artistes, et une association qui s’appelait les contrats bleus, qui avait été mis en place par la municipalité de Fontenay pour donner la possibilité à tous les enfants de pouvoir essayer un sport. On avait le choix entre plusieurs sports et j’ai choisi la danse. Et là, ça a été un déclic dans ma vie. Le déclic, ça a été une femme qui s’appelle Nadine Bernot, qui est toujours professeure de danse à Fontenay et qui m’a repéré lors de ces petits ateliers. J’ai une histoire un peu à la Billy Elliot parce que j’avais imité la signature de mes parents pour pouvoir faire de la danse et j’ai tenu ça secret pendant très longtemps jusqu’à ce que la professeure me demande l’autorisation de mes parents pour le spectacle de fin d’année. Là, j’ai dû en parler en premier à ma mère et ensuite à mon père. Je l’ai vécu de façon compliqué mais au final, ça a été assez fluide.

« Un garçon qui danse, à l’époque c’était beaucoup moins démocratisé, c’était plein de clichés : « la danse c’est pour les filles et le foot pour les garçons », on était vraiment dans une séparation des disciplines et des arts par rapport aux sexes et heureusement les choses ont bien avancé. »

J’ai été un boulimique de danse très rapidement. Mes parents n’avaient pas spécialement d’argent, j’habitais dans le quartier des Moulins-Liot. Ma professeure m’a proposé de pouvoir prendre gratuitement tous les cours que je voulais prendre dans son école. Arrivé à mes 15 ans, il y a eu un choix à faire et je suis allé au Conservatoire d’Angers où j’ai passé une audition et où j’ai été pris. Et ensuite, j’ai passé une autre audition à Angers pour le Centre National de Danse Contemporaine. J’étais dans le vif du sujet. J’avais rattrapé le retard, j’étais vraiment prêt à danser, et à transmettre aussi. Au CNDC, on avait l’occasion de pouvoir avoir des ateliers de pratique artistique avec des enfants et de fabriquer des outils pédagogiques. Donc très tôt, on a été responsabilisés à ça et ça a fait écho à cette phrase que Nadine Bernot m’avait dit : « un jour tu verras tu feras pareil et tu transmettras toi aussi le flambeau ». Cette phrase résonne toujours dans ma tête parce que c’est ce que je continue à faire aujourd’hui, développer des projets qui soient accessible par tous pour tous, avec des partenariats forts avec la ville, avec la région et la DRAC qui nous aident pour pouvoir construire des projets et notamment un qui s’appelle Danse au cœur. »

Que représente la danse pour vous ?

Quand je danse je me sens enfin moi, libéré des pressions, c’est un temps pour soi, un moment où on est en connexion avec son souffle, son rythme cardiaque, son existence. C’est la construction de la vie. Moi j’ai besoin d’une activité sportive tous les jours, et si ce n’est pas de la danse, j’adore marcher, courir, faire du vélo, j’ai besoin de me sentir exister. Et le sport c’est partager, l’effort, les émotions, lorsqu’on réussit à faire quelque chose. Dans la quête vers la réussite, le plus intéressant ce n’est pas la réussite en elle-même c’est tout le parcours qu’on fait pour arriver, peut-être, à toucher l’excellence qu’on exige pour soi-même. Ce sont de petits défis qui sont à la fois individuels et dans le partage. Et ce sont des émotions qui sont aussi fortes pour moi que l’amour. Ces victoires sportives on les banalise et on ne devrait pas, elles ont une importance primordiale pour la continuité de notre construction.

Crédit photo : Patrick André

Et quels sont les effets de la danse sur les personnes que vous accompagnez ?

Le sourire, la banane, l’énergie ! Parfois on peut arriver dans un cours et être complètement fatigué, enfants comme adultes, et j’arrive à leur redonner de l’énergie. J’ai une approche sophrologique en début de cours pour mettre en conditions, déculpabiliser les stagiaires de devoir se reposer avant de commencer. C’est Nadine Bernot qui m’a amené vers ça, elle était précurseure dans cette approche-là. C’est aussi donner le goût de la responsabilité, et de l’astreinte. Se dire qu’on a quelque chose à force de travail. Face aux smartphones, à internet, les jeunes dans l’investissement, ça peut être un peu compliqué. Moi je leur redonne ce goût du travail. Et une fois qu’ils l’ont avec moi, et bien comme je dis : « tu as réussi à le choper là, donc sache que si tu veux d’autres choses, tu peux les avoir ». Quand on me regarde avec des yeux grands ouverts et qu’il y a eu un déclic, pour moi c’est gagné. Il n’y a pas de fatalisme quand on est issu d’un quartier, j’en suis une preuve. On n’avait pas d’argent, la danse, le spectacle, ce n’était pas dans ma culture donc mon parcours qui au départ a été ouvert par le biais d’une volonté politique, et bien j’en suis extrêmement reconnaissant.

« Je m’adresse aux stagiaires comme aux danseurs de ma compagnie pour ne pas faire de différence, avec la même exigence artistique. C’est ce qu’on a fait pour moi quand j’étais gamin, je sentais que c’était important, pour aller au bout des choses. »

À l’avenir, quelles évolutions liées à la danse aimeriez-vous voir se développer ?

J’aimerais que ça continue à grandir. C’est aussi une mission de vie que les politiques s’engagent au sein du quartier. L’abandon d’un quartier et la violence qu’on pourrait avoir, elle arrive au moment où la culture n’est plus là. Réprimander c’est bien, surveiller aussi, mais je pense que l’action de l’artiste directement face à l’habitant, elle a beaucoup plus de poids, elle est dans le concret, et ça peut changer complètement le visage d’un quartier. L’évolution serait qu’il y en ait encore plus, que la danse ou le théâtre deviennent des matières à part entière à l’école, et que ça fasse vraiment partie intégrante de l’évolution d’un être humain que de pouvoir s’exprimer sous différents supports, puisqu’on se rend bien compte que c’est la communication qui peut faire un échec ou une réussite. Et l’art force le dialogue. Pour moi c’est la clé.

Propos recueillis par Claire Gadebois


Gianni Joseph développe le projet « Danse au Coeur des Moulins-Liot » dans son quartier, en juillet et août 2023 pour la 2ème année consécutive. C’est un événement de danse sous forme d’ateliers gratuits ouverts aux habitant-e-s du quartier et de Fontenay-le-Comte.
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