Après une carrière de footballeur professionnel en France et à l’international, Moustaph Keita raccroche les crampons et s’engage dans la voie de la transmission. Animateur, puis Directeur du Centre de Loisirs de Chaoué, il dispense également ses connaissances, ses valeurs et son sens du coaching au sein du Club de football de la Ferté-Bernard, dont il entraîne l’équipe première.
Nom : KEITA
Prénom : Moustaph
Âge : 43 ans
Signe distinctif : Dans son quartier d’enfance, chacun portait un surnom lié à un animal. Il hérita de celui de « cafard », un surnom qui le suit et qu’il conserve avec affection.
Sport pratiqué : Ancien footballeur professionnel, il entraîne aujourd’hui l’équipe masculine première du club VSF Football de la Ferté-Bernard.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Moustaph Keita. J’ai grandi en banlieue parisienne, dans les Hauts-de-Seine, dans le 92 à côté de Bagneux. J’ai commencé le football à 10 ans. A 14 ans, je suis parti en centre de formation au RC Lens. J’y ai passé 3 ans et ensuite je suis parti en Italie, à Cagliari en Sardaigne, où j’ai signé mon premier contrat professionnel. J’y suis resté 4 ans. Je suis revenu en France au Racing Paris, à Brest, puis je suis allé en Espagne à Ferronne, un club de Ligue 2. Et enfin, je suis revenu à Pau. Au bout de ces 10 années, j’ai eu une pubalgie, et pendant un an, j’ai arrêté complètement, j’ai fait des soins. Dans le milieu professionnel, quand on s’arrête longtemps, il faut un peu galérer pour revenir au haut niveau, donc j’ai décidé d’arrêter. Pendant 3 ans, je me suis occupé de ma famille. Les parents de ma femme sont originaires de la Sarthe et on ne voulait pas habiter dans la région parisienne, donc on a fait construire une maison du côté de Bonnétable, et j’en ai profité pour passer un BPJEPS sport collectif. Je tiens ici à remercier mes parents pour l’éducation et les valeurs qu’ils m’ont inculqués, et ma femme qui m’a soutenu dans toutes les épreuves de la vie.
En 2018, j’ai postulé au Centre de loisirs de Chaoué et j’ai été recruté ici comme animateur. La directrice de l’époque cherchait un profil animateur sportif donc elle m’a mis en confiance, elle m’a laissé carte blanche pour créer ce que je voulais, des projets sportifs, et ça s’est super bien passé. J’ai eu de la chance parce que je suis tombé sur les bonnes personnes au bon moment, qui m’ont ouvert les portes. Et aujourd’hui je suis Directeur du Centre de loisirs et je continue mes missions. La mairie nous met à disposition ce cadre, un beau quartier, qui milite pour que l’enfant soit vraiment au cœur du projet. En centre de loisirs on est dans la découverte, j’ai fait pratiquer de nouveaux sports, pour faire autre chose que du foot, par exemple, le kinball ou le hockey sur gazon, et ils ont vraiment adoré. Ce que j’aime chez les enfants, c’est leur capacité à toujours vouloir apprendre, ils ont envie de découvrir, donc ça motive.
« Le centre social a aussi des projets de défense des droits des femmes ou des projets de lutte contre la radicalisation, des projets séniors. Si on arrive à faire des projets pour tout le monde autour du sport, ça peut être génial. »
Que représente le sport pour vous ?
C’est un moyen de lier les gens. Quand j’étais petit, dans le quartier on jouait au foot matin midi et soir, avec des gens qu’on connaissait ou qu’on ne connaissait pas. Après, dans ma carrière professionnelle, j’ai souvent changé de club et bizarrement, le fait de faire un seul match, ça permet tout de suite de rentrer dans l’équipe, d’être accepté par tout le monde, qu’on gagne ou qu’on perde. C’est le fait de partager des sentiments, de batailler ensemble, de vivre des victoires ou des défaites ensemble, ça permet de fédérer des personnes. Et maintenant que j’entraine, j’essaie d’être l’entraîneur que j’aurais voulu avoir, proche des joueurs, plus à l’écoute. On se rend compte qu’être entraîneur au niveau amateur, c’est plus de la gestion humaine que du coaching sportif. Les gens viennent avec leurs problèmes de tous les jours. C’est plus un moyen pour eux de s’évader et de se faire plaisir que de la pratique pure. Et j’ai mis du temps à le comprendre. Je suis arrivé avec mon côté pro, carré, et au fur et à mesure, on s’aperçoit que le milieu pro, c’est le travail, c’est de la performance, alors que le milieu amateur, c’est prendre du plaisir avec les copains, de la convivialité. Le sport est un moyen de véhiculer plein de valeurs. Il n’y a pas que le sport, il y a d’autres moyens, mais pour moi, ça reste le moyen le plus rapide de créer des liens.
« Tu peux jouer avec une personne qui ne parle pas la même langue que toi, qui vient d’un autre pays, mais quand on joue ensemble, on arrive à se comprendre. C’est ça qui me plait, on partage des sentiments, des motivations, des objectifs à travers des jeux, des passions, sans forcément se parler, c’est ça qui est intéressant dans le sport. »
À l’avenir, quelles évolutions liées au sport aimeriez-vous voir se développer ?
Au niveau du Centre de loisirs, à chaque fois qu’il y a un projet sportif, les enfants ont envie, ils sont motivés et c’est beau. C’est un travail gigantesque mais il faudrait qu’on arrive à redonner l’envie aux enfants, dès le plus jeune âge, de faire du sport pour le sport. Petit, je voulais être professionnel pour gagner de l’argent, pour ma famille, mais j’aimerais qu’on arrive à inculquer aux enfants que le sport ce n’est pas que pour l’argent, c’est vraiment pour le plaisir, pour les liens, la santé, tout ce que ça peut apporter. A travers le sport, on a la possibilité de faire beaucoup de projets, revenir à un esprit du sport un peu plus humain. Je vais passer un DJEPS à la rentrée et mon objectif sera d’inclure et de fédérer dans le centre social toutes les tranches d’âges, les plus âgés, les parents, en faisant des projets à travers le sport. Et puis, c’est un projet utopique mais pour sortir des carcans quartier/pas quartier, il faudrait casser les quartiers. Moi demain, Président de la République, je casse les quartiers, je fais de beaux appartements et des maisons, et je mélange les populations pour que tout le monde s’entremêle et échange. Aujourd’hui, il y a les gens qui vivent dans les quartiers et ceux qui n’y vivent pas. En dehors des quartiers, les gens entendent que ça ne se passe pas bien et ils ont peur, et ceux qui vivent dans les quartiers, ils ne veulent plus y vivre. Je pense qu’il faudrait tout casser, repartir de zéro, faire de belles choses. A Pau, où j’ai un peu vécu, ils ont cassé les quartiers, ils ont fait de petits immeubles de deux étages et ils ont mélangé les communautés. Ce serait bien qu’on fasse ça un peu partout. A notre échelle, c’est ce qu’on essaie de faire au Centre social, c’est difficile mais ça fonctionne. Tout le monde doit connaître l’autre. Oui, il y a des différences mais c’est une richesse. Il faut mélanger les populations, et le sport permet ça. C’est un vecteur qui permet de mélanger les populations rapidement.
Propos recueillis par Claire Gadebois
