Portraits de sportif. Terry LE COUVIOUR, « le petit breton » pose les gants | Auray

Élevé par un père boxeur et entraîneur, Terry a emprunté très jeune le chemin de la boxe, qui l’a mené à un niveau international. Aujourd’hui, celui qu’on surnomme « Le Petit Breton » ôte ses gants et réfléchit à l’après-carrière, cherchant un nouvel équilibre pour prendre le temps de vivre autrement et de transmettre. Sur un banc du quartier qui l’a vu naître, il raconte sans regret ses combats personnels et professionnels.

Nom : LE COUVIOUR

Prénom : Terry

Âge : 29 ans.

Signes distinctifs : Son mental. Optimiste, Terry ne baisse jamais les bras.

Sport pratiqué : La boxe anglaise.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis originaire du quartier Le Gumenen, à Auray. Ma mère m’a abandonné quand j’avais 4 ans. Je ne l’ai jamais revue. Mon père nous a élevés seul, mon frère et moi. Il était boxeur professionnel et a créé le club Auray-Boxe, en 1997. Pour s’occuper de moi, il devait m’envoyer à l’entraînement. Le club de boxe, c’était ma garderie. Ce n’est pas un sport que j’ai choisi. Je suis né dedans. Quand j’avais 8-9 ans, mon père a rencontré une femme. Ils ont décidé de construire ensemble, alors nous sommes partis vivre à Locoal Mendon. J’ai beaucoup regretté mes amis, le skatepark, la maison de quartier où j’avais passé mon enfance… Je n’ai que des bons souvenirs ici.

À l’école, je n’étais ni bon ni mauvais. À 18 ans, j’ai obtenu mon bac. Je suis passé pro en boxe. J’ai aussi passé un BTS Management. J’ai rapidement pris mon indépendance en validant un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport. J’ai travaillé comme éducateur sportif dans la boxe en région parisienne, dans les quartiers prioritaires. Au bout d’un an, je suis rentré. J’avais 21 ans. Je suis devenu papa et nous avons vécu de nouveau au Gumenen, avec la mère de ma fille. Vers 24 ans, j’ai pu acheter dans le centre-ville d’Auray. Je viens tout juste de quitter cet appartement pour construire à quelques kilomètres d’ici. Aujourd’hui, je suis commerçant. Je vends des marinières sur les marchés, la marque « Le Petit Breton ». C’est également mon surnom de boxeur.

Quelle est votre pratique sportive ?

Je pratique la boxe anglaise. On utilise nos coudes et nos poings, comme Mike Tyson ou Mohamed Ali. À la fin, celui qui est debout ou qui a touché le plus a gagné. Mon premier souvenir sportif remonte à mes 5 ou 6 ans. C’était mon premier combat. J’ai perdu, mais mon adversaire avait bien trois ans de plus que moi. Ils m’ont laissé combattre torse nu. Ce n’était pas un combat officiel. Pour moi, ça l’était, parce que nous étions dans les conditions d’une vraie compétition. Le fait que je sois originaire d’un quartier m’a poussé à pratiquer un sport « de bonhomme ». C’est comme cela que j’ai été éduqué. Les boxeurs plus âgés étaient gentils avec moi et me donnaient l’impression d’être meilleur. Alors j’y ai pris goût. Je m’entraînais à Auray. Au début, une fois par semaine, puis deux, puis trois. Au bout d’un moment, je m’entraînais deux fois par jour. Je suis passé professionnel à 19 ans. Mais je me suis entraîné véritablement comme un pro à partir de mes 24 ans. Le sport a toujours fait partie intégrante de ma vie. C’est en moi. Boxe ou non, je prends du plaisir à me dépasser. Je pratique également le crossfit, le vélo, le footing, le street workout (musculation sur des appareils en extérieur)… Ce que j’aime dans le sport, c’est rompre mes limites, aller un peu plus loin à chaque fois.

« Le sport a toujours fait partie intégrante de ma vie. C’est en moi. Boxe ou non, je prends du plaisir à me dépasser. »

Que représente le sport pour vous ?

Le sport m’a permis de développer un autre réseau, de sortir de la famille, de l’école, du quartier pour rencontrer un nouveau monde. Quand je rentre dans n’importe quelle salle, à Aix-en-Provence, Marseille, Bangkok où je me suis beaucoup entraîné, je retrouve directement des liens. On peut parler pendant des heures. On s’entraîne, on rigole. On partage une passion en commun. Avant un combat de boxe, on rêve presque de mettre notre adversaire KO, mais à la fin, il reste deux hommes qui se prennent dans les bras. On développe quelque chose de fort entre nous.

« Le quartier est une force, dans le sport. »

La boxe est un sport très populaire, qui rencontre un succès dans les quartiers. Beaucoup de jeunes veulent devenir boxeurs ou footballeurs pros. Ils auraient également du potentiel dans d’autres disciplines, mais on ne leur propose pas toujours les infrastructures pour apprendre le tennis, l’escalade…

Le club Auray Boxe comporte 150 adhérents, dont beaucoup de gens du quartier, et des immigrés. Ils représentent la majorité de nos compétiteurs. Le quartier est une force, dans le sport. Je pense aux jeunes de 14 ans, dehors, qui fument avec un sac rempli de bières qui s’entrechoquent. Quand ils parviennent à entrer dans une salle de boxe, ils trouvent un autre chemin dans leur vie. Ils arrivent à être sérieux dans un domaine, à trouver un sens. Ils sont vraiment forts mentalement. La plupart des grands champions actuels viennent des quartiers. Ils ont quelque chose en plus.

À l’avenir, quelles évolutions sportives aimeriez-vous voir se développer, pour vous, votre quartier, ou de manière plus générale  ?

Aujourd’hui, j’essaie de réaliser ce que j’ai accompli. J’ai remporté la ceinture de l’Union européenne, une première en Bretagne. J’ai été au Championnat d’Europe, en Angleterre, que j’ai perdu. Je suis allé au-delà de ce que je voulais. C’est pour cela que j’arrête. Les sacrifices me semblent trop durs aujourd’hui. Je n’ai plus envie de combattre. J’ai fait toute ma carrière avec une spondylarthrite ankylosante. J’ai été fort. J’ai le sentiment de ne pas pouvoir faire mieux. Même si j’ai pratiqué la boxe à un niveau pro, je n’en ai jamais vécu pleinement. La boxe, je l’ai pratiquée pour exister aux yeux des autres. Je voulais que mon père et mes copains soient fiers de moi. À présent, cela ne m’importe plus. J’arrive à faire du sport en loisir, juste pour moi. Mais la boxe aura toujours une place dans ma vie.

De manière bénévole, j’entraîne des jeunes au club. Cela me rappelle quand j’étais éducateur sportif dans les écoles et associations. J’accompagne des boxeurs du quartier à des compétitions. Je leur explique que ça n’est pas grave s’ils perdent, à condition qu’ils donnent tout. On perd tous des combats, cela donne une force. J’y crois et je les encourage jusqu’au dernier coup de gong. J’aimerais que d’autres personnes vivent en tant que sportifs ce que j’ai vécu, pas en tant que spectateurs. J’ai envie de vivre d’autres émotions, de stresser pour quelqu’un, et non l’inverse. J’essaie d’être une pièce en plus et de trouver un équilibre dans ma vie d’après carrière. Il faut que j’apprenne à vivre autrement, plus simplement. Et donner plus de temps à mon enfant, à ma vie sociale. Vivre comme tout le monde, libéré des contraintes de la compétition.

Propos recueillis par Marie Fidel

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