Au cœur d’un exercice de renforcement musculaire, malgré l’effort, le visage de Sylvie rayonne. Entourée de ses camarades de la pension de famille Adoma, à Saumur, elle prend du plaisir à venir chaque vendredi après-midi à la Scoope, association du quartier du Chemin Vert. La solidarité du groupe lui permet de se reconstruire, elle qui n’a pas toujours eu la sécurité et la chaleur d’un toit au-dessus de sa tête… Avec ce rendez-vous sportif, Sylvie retrouve sa place avec les autres, et sa précieuse liberté de mouvement.
Nom : BAYART
Prénom : Sylvie
Âge : 60 ans.
Signes distinctifs : son parcours, son courage, son altruisme… et son sourire grand comme ça !
Sport pratiqué : renforcement musculaire.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je viens de la région parisienne. J’ai vécu à Tours. Je suis allée à Angers, où se trouve mon fils. La Covid est arrivée, et je me suis retrouvée à Saumur, il y a plus de deux ans et demi. La Covid a fait beaucoup de mal. Avant, je travaillais comme employée de banque. J’ai été licenciée en 2018. Je me suis retrouvée à la rue. C’était rapide. Un jour, j’étais dehors, sur un banc. Une assistante sociale est venue s’assoir à côté de moi. On a commencé à discuter. Elle m’a dit qu’il existait une structure, Adoma, avec une pension de famille. Elle m’a donné rendez-vous. Au début, je n’y croyais pas. Je me suis dit : « C’est une farce qu’ils me font. » À l’époque, je ne parlais pas. Je restais emmitouflée dans mes laines, la tête baissée… J’avais peur. Quand on se retrouve à la rue, on a l’impression qu’on n’existe plus. On m’avait volé mes papiers. Je n’avais plus de nom, plus de date de naissance, plus rien du tout.
« Quand on se retrouve à la rue, on a l’impression qu’on n’existe plus. »
À la pension de famille, quand on arrive, on n’a rien. Nous sommes logés dans un appartement meublé. On repart à zéro. On se retrouve avec un lit, un minimum pour vivre. On est locataire comme tout le monde, mais surtout, on n’est pas seul. Ça, c’est important. On se connaît tous, on partage des activités. On se soucie des uns et des autres, on fait attention aux voisins. C’est comme une famille, avec beaucoup de bienveillance. On s’encourage beaucoup. On a chacun notre studio, mais on partage une salle de vie commune. On prend le temps de se reconstruire, avec la chaleur humaine.
Quelle est votre pratique sportive ?
Quand j’étais petite, j’étais capable de faire des choses, mais je n’y arrive plus. C’est dû à l’âge, et à la rue, aussi. Je faisais des sports collectifs, beaucoup de basket. Adulte, j’ai fait de la musculation aussi, en salle de sport. Avec le travail, on nous y incitait. Il y avait des équipements. Mais ensuite, ce n’était plus possible. Le sport, c’est une question de moyens.
« Je souffre de douleurs à la jambe. Mais en voyant les autres faire, cela me donne envie de faire pareil. Alors je m’écoute moins. Même si j’ai mal, tant pis. »
Avec la pension de famille, depuis plus d’un an, je vais à l’association la Scoope, pour faire du renforcement musculaire le vendredi après-midi. C’est pour les personnes qui ont des problèmes articulaires. Je souffre de douleurs à la jambe. Mais en voyant les autres faire, cela me donne envie de faire pareil. Alors je m’écoute moins. Même si j’ai mal, tant pis. Ça rebooste, d’être avec les autres résidents. Angélina, notre référente sport santé est très à l’écoute de la douleur des autres. Elle sait s’adapter quand on ne peut pas faire certains mouvements. Elle nous aide à nous repositionner. On fait du rameur, du vélo, des poids, des kettlebells… Heureusement que ça existe ! Le lendemain, j’ai mal aux bras. On échange sur nos courbatures, on s’encourage.
Que représente le sport pour vous ?
Le sport, pour moi, c’est la confiance aux autres. Je sais que je ne suis pas toute seule. Il y a Lucie, Raphaël, Régina, les autres résidents de la pension de famille. On y va tous ensemble. On est motorisés. Notre référente Lucie nous accompagne. On se motive. On prend soin les uns des autres.
Quand on a perdu un travail et une activité extérieure, le corps se ramollit. Reprendre une activité physique permet de retrouver la forme, au départ. Je recommence à pouvoir faire certains mouvements, comme m’assoir sans m’appuyer sur mes mains. Je sens que je reprends confiance dans les autres. Avant, j’avais peur que l’on me prenne la main. J’avais peur d’être aidée, en fin de compte. Maintenant, je commence à faire confiance aux gens.
Une chose amusante, à la pension, on a commencé à se peser pour rire. Un des résidents voulait se motiver à perdre du poids. Alors on s’est pris au jeu et on se pèse tous ensemble une fois par mois. C’est joyeux. On s’encourage. Cela nous a entraînés nous aussi à faire attention à notre santé. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans sa tête. On se sent capable de se dépasser, on se sent plus fier.
À l’avenir, quelles évolutions liées au sport aimeriez-vous voir se développer ?
À l’avenir, j’aimerais que les personnes puissent faire plus de sports. Je pense que le sport n’est pas accessible à tout le monde, il faut un budget. Les licences sont trop chères pour les personnes défavorisées. Nous, c’est grâce à la Scoope et Adoma que nous pouvons venir, avec ce projet Inclusion Sociale par l’Activité physique. En faisant du sport, j’ai dans l’idée de pouvoir bouger plus facilement. Être moins essoufflée lors des trajets à pied. Je regarde les bancs et je me dis : « Non, non, je ne m’assieds pas, je continue ! » Voilà l’évolution que je souhaite. Par contre, je sais que je ne pourrai plus pratiquer des sports où l’on court. J’adore danser, mais je ne pourrai plus. Quand je fais trop d’exercice, ma jambe se durcit et je perds l’équilibre. Peut-être d’autres sports, plus statiques. Prochainement, le vendredi matin, nous allons pouvoir tester le Qi Gong. C’est bien. Le message que j’aimerais faire passer, c’est de penser aux autres. On fait partie d’un tout, on se motive les uns les autres, c’est important pour recommencer sa vie.
Propos recueillis par Marie Fidel
