COMMUNIQUÉ DE PRESSE
C’est un fait relevé par l’Observatoire National de la Politique de la Ville : les habitants des Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV) sont confrontés à un taux de chômage presque trois fois plus important que celui des autres quartiers dans les mêmes unités urbaines (selon le Rapport 2020 de l’Observatoire national de la politique de la ville, p.160) Dans le but d’identifier des spécificités qui expliqueraient cette plus grande difficulté d’accès à l’emploi dans les QPV, RésO Villes s’est lancé dans une étude des distances moyennes domicile – travail de ses habitants. Grâce à des croisements inédits de données en provenance de partenaires privés et publics (Randstad, Pôle Emploi), de premiers résultats ont été obtenus qui mettent le projecteur sur des réalités différentes entre QPV.
« Les raisons qui peuvent expliquer le taux de chômage nettement plus important à l’intérieur des QPV par rapport aux autres quartiers sont multiples et variées. Nous avons souhaité sortir des analyses socio-démographiques habituelles sur l’âge, les diplômes ou l’immigration et nous concentrer sur un aspect plus original : la distance entre le lieu de vie des chercheurs d’emploi et la localisation des offres d’emplois qui leur correspondent.» détaille Emilie Sarrazin, directrice de l’association RésO Villes.
Une expérimentation rendue possible grâce à un partage de données innovant
« Le caractère innovant des travaux que nous venons de mener réside principalement dans la démarche pionnière de partage de données en provenance d’acteurs publics et privés. » poursuit Emilie Sarrazin. « Nous avons obtenu d’un côté des données concernant les emplois recherchés par les habitants des QPV , via Pôle Emploi, et de l’autre des données sur les offres d’emploi disponibles remontés par des algorithmes de la société Randstad, spécialisée dans les ressources humaines. »
« J’exagère à peine en disant que les travaux de traitement et de valorisation des données ont duré moins longtemps que l’organisation du partage des données. » sourit Emilie Sarrazin.
En effet, plusieurs conventions ont été signées entre les différents partenaires du groupe de travail afin de cadrer les conditions de stockage et de traitement des divers jeux de données. Il s’agit par exemple de fixer des seuils de secret statistique afin de s’assurer ne pas pouvoir réidentifier une personne physique par croisements de données.
Jacques Priol, dirigeant-fondateur du cabinet CIVITEO qui accompagne ResO Villes dans la cadre du programme « Data et Quartiers » précise que « les collaborations de ce type, basées sur la mise en commun de données publiques et privées, sont amenées à se multiplier dans les mois et années à venir, encouragées notamment par La loi pour une République numérique qui a introduit le concept de données d’intérêt général »
Une méthodologie efficace une fois les données obtenues
Les travaux d’analyse des données ont été menés par les équipes de Data Science de Randstad, accompagnées par un autre partenaire du programme, Valoway, sur la réalisation des visualisations (ou « dataviz »).
La méthodologie a consisté à filtrer les données de toutes les offres d’emplois actives identifiées sur plus de 11 000 sites internet par l’outil Randstad smart data, en fonction des codes ROME sur lesquels les demandeurs d’emploi des QPV sont inscrits. Les données des offres d’emploi étant géolocalisées, il a ensuite été possible de les répartir dans différentes zones isodistantes.
La Figure 1 ci-dessus concerne le quartier « Centre – Moulins Liots » à Fontenay Le Comte. On y apprécie à gauche la répartition géographique de l’ensemble des offres d’emploi recensées par Randstad pour les codes ROME sur lesquels des habitants se sont inscrits à Pôle Emploi. Le détail de cette même répartition par code ROME est présentée dans l’histogramme à droite. En complément, un indice de distance moyenne lieu de vie – emploi désiré a été calculé, qui a permis de réaliser des comparaisons entre différentes unités géographiques (QPV, villes, départements, etc..).
>> Les résultats quartier par quartier sont disponibles sur ce lien <<
Une « dataviz » pour appréhender la réalité des distances domicile – travail dans les QPV
« Afin de sensibiliser encore plus les élus et les acteurs des quartiers, nous avons souhaité leur mettre les données entre les mains, les faire jouer avec » explique Emilie Sarrazin. A cet effet, une représentation graphique de données (ou « dataviz ») a été réalisée qui permet, via des filtres à activer, de comparer les quartiers entre eux. Ce type de livrable a été choisi pour sa simplicité mais aussi pour l’impact qu’il peut générer chez les utilisateurs, plutôt habitués à tourner les pages de rapports parfois très (trop) longs. L’information y est rapidement accessible, avec la possibilité de jouer avec différents axes d’analyse.
>>Voir la Dataviz<<
Cette représentation graphique de données est une réalisation conjointe de RésO Villes, CIVITEO, et Valoway, à partir de jeux de données fournis par Randstad et Pôle Emploi. Elle a été produite dans le cadre du programme « Data et quartiers », soutenu par l’ANCT.
Sources de données
Les jeux de données suivants ont été mobilisés pour la construction des indicateurs représentés. Toutes les données ont été obtenues dans le cadre du programme « Data et quartiers ». Elles sont anonymisées et ne permettent pas l’identification des personnes.
- Observatoire National de la Politique de la Ville : nom des quartiers priorité de la ville et coordonnées géographiques de leurs centroïdes.
- Pôle Emploi : nombre de demandeurs d’emploi inscrits par code ROME en 2020 dans chaque QPV
- Randstad : offres d’emploi actives (déposées et supposés non pourvues car non clôturées) et dédoublonnées identifiées sur plus de 11 000 sites internet à la fin du mois de mars 2021. Ces offres sont identifiées selon l’appellation métier, le SIRET de l’entreprise qui recrute, la typologie de contrat proposé et l’adresse du lieu de travail (sauf pour les offres d’agences d’emploi et de cabinets de recrutement)
Lecture du graphique
La distance indiquée devant chaque couple ville-QPV est la distance moyenne entre le centre du quartier et les offres d’emploi disponibles correspondant aux métiers sur lesquels les habitants du quartier se sont inscrits auprès de Pôle Emploi.
Le menu avec des cases à cocher à gauche permet de sélectionner les QPV à comparer entre eux, en filtrant par zones géographiques (Région, Département, ou Ville).
Le bouton « Mode d’affichage » permet de visualiser la distance moyenne domicile-emploi à l’échelle de la zone géographique sélectionnée : Région, Département, ou Ville.
Des premières conclusions
En parcourant les résultats, de premières conclusions sautent aux yeux. Tout d’abord, les habitants des QPV situés dans de grandes agglomérations sont plus proches des emplois susceptibles de les intéresser. Ainsi, parmi les 78 QPV analysés, les 10 pour lesquels les distances domicile-emploi sont les plus courtes sont tous situés à Rennes, Nantes ou Angers (avec moins de 4km de distance à parcourir en moyenne). A l’inverse, si l’on observe les QPV avec les distances les plus élevées, on retrouve des quartiers situés dans de plus petites villes comme Fontenay Le Comte (20km), Hennebont (15km), Saumur (14,5km), etc
En navigant la dataviz plus en détail, on remarque cependant d’autres différences notoires. Par exemple, parmi les 5 villes de plus de 100 000 habitants incluses dans l’analyse, Brest se démarque avec une distance moyenne domicile-emploi de 8,2km beaucoup plus élevée qu’à Angers (3,6km), Le Mans (3,7km), Rennes (3,8km) et Nantes (3,9km). Une différence qui s’explique peut-être en partie par sa localisation géographique en bord de mer.
Une deuxième phase de travaux en cours de démarrage
L’analyse de la réalité de l’emploi pour les habitants des QPV va désormais se poursuivre sous le prisme des Mobilités. Un autre groupe de travail constitué dans le cadre du programme Data et Quartiers va en effet se saisir des conclusions présentées ici, et se pencher non plus sur la question de l’espace, mais de celle du temps. Quelles sont les solutions de mobilités existantes ? Combien de temps les habitants des différents QPV doivent-ils consacrer à leurs déplacements pour se rendre sur leur lieu de travail ? Les travaux en cours de cadrage devraient s’étaler jusqu’à la fin du premier trimestre 2022.
Le programme « Data et quartiers »
Depuis 2019, RésO Villes pilote un programme inédit en France visant à expérimenter des outils de datascience pour améliorer l’observation et la connaissance des quartiers. Ce programme est soutenu par l’Agence nationale de la Cohésion des territoires, des collectivités bretonnes et ligériennes, des organisations publiques et des entreprises. Plusieurs travaux sont menés sur les questions d’emploi, de mobilité ou encore de santé dans les quartiers.
Pour Jacques Priol, président et fondateur de CIVITEO, qui accompagne RésO Villes dans la mise en œuvre de ce programme : «le programme Data et quartiers a pour objectif de participer à la sensibilisation des experts de la politique de la ville et des décideurs publics aux nouveaux outils d’aide à la décision, qui trop souvent sont réservés aux quartiers de centre-ville au nom des politiques de «ville intelligente». L’utilisation des données est un sujet sensible, a fortiori quand on utilise des données sociales». Il complète : «Ce programme est aussi l’occasion de réfléchir à une éthique de la gestion des données avec les acteurs des quartiers. Pour la présente étude aucune donnée personnelle des habitants n’a par exemple été utilisée».
Les partenaires du programme Data et Quartiers :
- Agence Nationale de la Cohésion des Territoires
- ARS Pays de la Loire
- Caisse Nationale d’Assurance Maladie
- La CARENE (Communauté d’Agglomération de Saint-Nazaire)
- Brest Métropole
- Harmonie mutuelle
- KPMG
- Le Mans Métropole
- Nantes Métropole
- Pôle emploi
- Poligma
- Randstad
- Université de Rennes 2
- Valoway
A propos de RésO Villes
Le centre de ressources en politique de la ville RésO Villes est une association loi 1901 qui rassemble 32 communes des régions Bretagne et Pays de la Loire, représentant 78 quartiers prioritaires. Elle accompagne les expertises locales en matière de politique de la ville et contribue au débat public à travers une réflexion politique, économique et sociale sur l’avenir des quartiers. Son Conseil d’administration est constitué d’élus des collectivités adhérentes.
RésO Villes pilote par ailleurs un programme « Data et quartiers » qui vise à outiller les acteurs de la politique de la ville d’outils de compréhension et de mesure innovants inspirés de démarches nouvelles que l’on retrouve le plus souvent concentrées dans les quartiers centraux au titre de programme dits de « ville intelligente ».